Beauté théâtrale et amoncellement absurde de sentiment

Vu pour le dossier sur le cinéma japonais des années 1960. 2e Masahiro Shinoda après Fleur Pâle, choc esthétique bluffant dans le travail du noir et blanc et expérimentation visuelle avec des effets de ralenti et de couleur en négatif dont j'ai d'ailleurs écrit une critique ici.


Ce film est une oeuvre très forte et radicale sur laquelle il est difficile de se positioner de prime abord. Après un générique montrant la préparation du film ou d'une pièce de théâtre dont le film est adapté, on se retrouve dans un récit du japon d'il y a 300 ans qui est à la fois un drame fait de sentiment de tristesse et de devoir extrêmement fort mais aussi totalement contre balançé par la présence d'êtres envellopés de noir qui peuvent être vu comme une manifestation de la destiné des personnages qui les poussent irrémédiablement à avancer vers le suicide final ou comme des techniciens de théatres qui indique des éléments au spectateur, change le décors de la scène, arrête le temps pour observer les choses et servent de narrateur de temps à autre.


Il semble donc qu'il y ait un grand écart presque infaisable entre le drame pur, ultra expressif dans l'intimité de décors en huits clos et ce côté reflexif apporté par les hommes en noirs qui manipulent l'espace avec les comédiens (trouver des objets, apporter un objet clé à l'intrigue, changer le fond, ajouter une lampe) sans que cela ne soit jamais expliqué clairement. Mais il n'en est rien car ce parti prit de mise en scène au lieu de briser entièrement le quatrième mur, crée une sorte d'ambiance byzarre qui participe à donner au film une esthétique pesante tout en nous faisant ressentir que nous visionnons quelque chose de très théâtrale.


Le film nous raconte l'histoire de deux amants qui sont bridés dans leur amour par la position sociale pour la femme qui est une courtisane possédé par une personne auprès de qui elle est endetté et l'homme par sa situation familiale (son mariage) et par la société (l'idée d'honneur qui tourmente les personnages dans leurs actions).


La structure du film favorise les grandes scènes de drames en vase clot avec:

après une rapide scène d'amour au début, un long passage dans le lieu de travail de la courtisane où les enjeux de personnages seront placés et où leur amour va se briser une première fois puis un long passage chez l'homme se confrontant par sa lâcheté à l'ensemble de sa famille tour à tour (frère et belle mère, sa femme, et son beau père), pour arriver vers des retrouvailles avec une nouvelle scène d'amour plus longue et travaillé, dans un cimetierre pour finir sur le suicide final.

Bien que l'on sente l'empreinte très forte du théâtre sur le film et que le dispositif nous empêche de rentrer en empathie totale avec ce que vive les personnages, il y a un élément qui cimente le film et que j'ai tût jusqu'à maintenant, c'est l'aspect visuel. Du début jusqu'à la fin chaque plan est beau, la lumière en noir et blanc va illuminé le visage de la comédienne principale et la rendre fascinante de la même façon qu'avec l'héroïne de Fleur Pâle qui était sublimé à chaque instants.


Cette attention au visuel, par les décors faux mais agencés à la perfection, les tenues d'époques, les angles de vue toujours prenant, les composition de plan avec les personnages très théâtrale dans leur stoïcisme et les éléments qui viennent perturber, modifier ou embellir les cadres (la neige, les feuilles jeter en l'air ou le lustre qu'on allume) fait que le film est toujours un objet passionnant à regarder même lorsqu'on est mis en dehors de la dramaturgie ou qu'on ressent une certaine lenteur. En cela, il m'apparaît comme légèrement supérieur à Fleur Pâle dans sa façon, par l'apport du théâtre, à réduire ses enjeux narratifs en grosses explosions dramatiques ponctuelles pour ne jamais lasser le spectateur avec une histoire fait de moments plus flottant (comme c'était le cas dans l'autre, ce qui ne l'empêche pas lui aussi d'être une expérience très plaisante).

KumaKawai
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le 28 oct. 2022

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