En introduction au film, le réalisateur Masahiro Shinoda interroge l’auteur sur la possibilité d’adaptation de sa pièce Kabuki, ou comment mettre en images la théâtralité sur un écran de cinéma ?
Il choisit la voie du formalisme en faisant abstraction de tout artifice sonore, hormis les dialogues entre les personnages. Dans ce sens il fait preuve d’un sens inouï du découpage et du jeu de ton des formes dans un ballet laconique d’une beauté absolue , c’est remarquable.


Adapté du dramaturge Monzaemon Chikamatsu, considéré comme le Shakespeare japonais, Double Suicide à Amijima est marqué d’emblée par une dramaturgie diffuse qui tend au fatalisme. De ce fait on ressent constamment la noirceur non seulement dans le récit, mais aussi dans les décors et les jeux de lumière. Chikamatsu était réputé pour ses spectacles de marionnettes, et c’est dans cette optique que Shinoda fait se mouvoir ses personnages, pantins désarticulés errant dans un décorum de circonstance, toujours suivi par la noirceur de leur âme. En cela la présence pendant tout le déroulement du film, de personnages entièrement drapés de noir, sont là pour accentuer le ressenti des principaux protagonistes. Plus ils pensent noir, plus ces farfadets se démultiplient et les poussent vers l’inéluctable. Tout étant dans le titre.


Double Suicide à Amijima est l’histoire d’un amour impossible entre un jeune papetier modeste et une prostituée dont il s’éprend. Il tentera toute sa vie de la racheter, quitte à anéantir la construction d’une vie, un mariage et une progéniture.


Rarement l’utilisation des décors stylisés n’aura autant été mise aussi habilement au service de la mise en scène, souvent au détriment du récit même, une narration emprunte de fatalisme, au final une histoire de peu. Tellement ancré dans le folklore du théâtre Kabuki, le film pourrait aisément déstabiliser si l’esthétisme ne se mettait pas en permanence au service du récit afin de lui insuffler cette énergie qui élève l’œuvre au-delà de son intrigue.

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le 31 mai 2018

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