"Les préjugés obscurcissent la vérité"
1957, premier film de Sidney Lumet, première bombe cinématographique.
A la fois simple d'un point de vue filmique, et complexe de part sa trame narrative (construite à la perfection), ce huis clos étonne et émerveille lorsqu'il prend une dimension psychologique hors pair. En effet, comme dans la plupart des huis clos, la tension se présente plus ou moins rapidement et augmente façon crescendo jusqu'à l'explosion fatidique. A la différence des autres, celui-ci comporte non pas 4, 5 ou 6 personnages à gérer, mais 12, qui de surcroît ont tous une très grande responsabilité : décider du destin d'un jeune garçon de 18 ans, accusé du meurtre de son père.
Ces 12 hommes constituant le jury se regroupent dans la salle de délibération après avoir assisté au jugement du jeune accusé. Les preuves accumulées contre lui semblent avoir clairement orienté le jury en sa défaveur et enseveli toute lumière d'espoir quant à son avenir, et pourtant... au cours de la délibération, un juré vote "non coupable". C'est à la suite de cette unique opposition que le grand débat prend forme et s'émancipe - petits détails deviendront grands - progressivement, presque à temps réel. Naturellement, ils n'ont pas le même vécu, la même personnalité et donc pas forcément le même point de vue et la même certitude sur le sujet. Par conséquent, il y a un choc générationnel, culturel et social qui se crée à travers ce casse-tête judiciaire. Les corps et les esprits chauffent et font tomber quelques masques, l'affaire apparaît peu à peu pour certains comme une quête personnelle... L'homme au costume blanc, justice personnifiée, semble être tombé du ciel pour non pas sauver un seul homme mais douze (l'accusé et les membres du jury). Serait-ce Jésus guidant ses douze apôtres ? Non, je ne pense pas que le réalisateur soit allé si loin... à moins que... non.
La mise en scène et les dialogues sont construits de manière remarquable, le tout orchestré par une pléiade d'acteurs - rarement vu autant de talent réunit dans une seule pièce - dont un Henry Fonda particulièrement éloquent.
En même temps une critique de la justice américaine et plus particulièrement des facteurs qui rendent la peine de mort si contestable (l'incompétence d'un avocat par exemple), 12 hommes en colère est aussi un film introspectif. En effet, il nous pousse à creuser au-delà de l'apparence car elle nous ment trop souvent, et c'est là ou je reprends cette phrase révélatrice du propos : "un préjugé, quoi qu’on en dise, obscurcit toujours la vérité." Faire un travail sur soi, savoir être plus tolérant et parfois abandonner des convictions qui pendant des années nous servaient de ligne de conduite...
Un film prestige qui date de plus de 50 ans mais qui traite sur un sujet qui est toujours d'actualité. Une oeuvre impérissable.