Le Septième Sceau est le premier Bergman que je visionne, et sans surprise, énormissime claque dans ma p'tite gueule.
Ce chef d'oeuvre est une sombre fable métaphysique. Pourquoi la vie, mais surtout que se passe-t-il après la mort ? Pouvons-nous vivre et supporter la méconnaissance du pourquoi et de l'au-delà ? Trois personnages (un baladin, un chevalier, un écuyer), trois points de vue différents. Pour illuminer ces réflexions, le réalisateur donne des couleurs au noir et blanc avec des plans/scènes semblables à des fresques gothiques. En effet, le noir et le blanc sont comme personnifiés, leur valeur esthétique flagrante est transcendée, ces deux éléments semblent symboliser ce combat contre la mort pour daigner rester en vie.
D'ailleurs, dès la premières séquence nous pouvons percevoir dans un ciel encombré l'aigle de l'Apocalypse. Signe certain d'un mauvais présage : la venue de la Mort. Quelque soit ta merde, un jour ou l'autre tu seras obligatoirement confronté à ce choix déterminant. Vivre ou mourir ? Un choix qui ne dure qu'un temps car nous savons tous que la mort gagne toujours.
La Mort semble s’immiscer dans un des songes du chevalier Antonius Block et engage une dangereuse partie d'échec. Cet antre de la réflexion existentielle t'attend chaque soir au creux du lit, elle se nourrit principalement de tes peurs, de tes doutes mais surtout de tes perpétuels "pourquoi ?". Elle s'allonge vicieusement auprès de ton oreille pour t'y souffler sa poudre à questions : pourquoi la vie ? Pourquoi le temps ? Pourquoi l'espace ? Pourquoi la mort ? Pourquoi ce putain de pourquoi ? Le gouffre se creuse plus intensément lorsque tout autour de toi, le monde s'agrandit à vu d'oeil. Lorsque tu marches seul dans la nuit, errant entre des ruelles vierges et bondées de gigantesques buildings prêt à dépecer l'espoir qui s'enfuit déjà. Lorsque tu te sens tellement petit, tellement vulnérable, que t'aimerais retourner et demeurer dans le ventre de ta mère. Lorsque tout est... trop pour toi. L'ombre du désespoir s'enroule tout autour des quelques fragments de lumière, qui éclairaient encore ton esprit, et te plonge alors dans un puits méphitique et assassin, le dégoût. Par la suite, toute cette désolation, incompréhension à la vie fera naître en toi tout un tas de questionnements et d'apitoiements infiniment haineux et abscons : pourquoi moi ? Pourquoi cette tronche de merde ? Pourquoi cette vie ? Pourquoi toute cette souffrance ?
Tu te ressasseras ces mots pendant des jours entiers, des mois, voire des années. Tu iras même jusqu'à redessiner toute ta vie pour voir où ça a bien pu clocher. Tu auras l'impression d'écouter malgré toi une vieille cassette à la bobine sempiternelle, ça te rendra aussi fou qu'un alcoolique qui purge sa peine. Le combat sera plus ou moins long, tout dépendra de toi et de ta capacité à endurer ces maux, et de ton envie de grandir. C'est quand tu apercevras la lueur avide au bout de ton sombre couloir que tu sauras ce qu'est d'être.
Dans tous les cas, il faut flirter avec le mal avant de connaître la saveur, et la valeur intrinsèque de la vie. Tout comme il faut flirter avec le bonheur de la vie pour en connaître le mal... Être ou ne pas être ? Vivre insouciant et combatif, accepter ta vie, quelque soit le sort qui t'est réservé ? Ou bien te laisser aller, te désengager de la bataille en rendant les armes, des armes bien trop lourdes à porter ?
Le Septième Sceau, une oeuvre à la sincérité terrifiante.