Lorsque j’ai compris, au bout de quelques minutes, que ce film serait un huis clos, je me suis dit que j’allais passer un mauvais moment. C’est vrai que j’ai des à priori sur ce modèle, notamment parce que les changements de décor dans un film sont un aspect auquel je suis plutôt sensible, et je suis claustrophobe au passage (seuls les claustros peuvent savoir ce que je ressens en visionnant ce genre de film). Mais aussi, le changement d’ambiance visuelle me permet souvent de ne pas tomber dans l’ennui. Et finalement, je dois dire que j’ai été très étonné, car je n’ai pas vu le temps passé, et ce bureau dans lequel on reste enfermé avec ces douze personnages est, bien entendu, sacrément étriqué, mais il ne laisse pas la place à la monotonie. Je ne sais pas par quel miracle Sidney Lumet a réussi son coup, son talent s'exprime avec évidence dans cet oeuvre.
L’histoire est dans l'idée d’une simplicité déconcertante, douze hommes doivent délibérer du sort d’un jeune homme accusé d’avoir tué son père. Ils ne pourront sortir des délibérations qu'une fois les votes unanimes. 11 hommes votent coupable, un seul non coupable…
Il s’agit donc d’une longue conversation entre des hommes qui n’ont pas tous le même point de vue, et l’on découvre assez vite que le jugement des membres du jury qui se voudrait impartial est rapidement confronté à des préjugés.
J’ai adoré.
J’ai adoré l’intelligence de ce film, les rapports musclés entre les opinions des uns et des autres, la lutte de la gravité contre la légèreté, de la réflexion contre la précipitation, des suppositions contre les faits.
J'ai adoré la façon dont l'intrigue met en exergue le fait que la justice peut défaillir et se repose parfois sur des interprétations, à tel point que ça nous en donne le vertige.
J’ai adoré les changements qui s’opèrent chez ses personnages, lorsque les masques tombent et que l’on comprend les failles des uns et des autres, comment l’histoire d’un personnage déteint sur ces choix et ses jugements.
J'ai adoré, bizarrement, l’ambiance étouffante, le dialogue oppressent, le rythme qui donne un sentiment d’urgence, comme dans un thriller maitrisé. Si j'ai beaucoup apprécié le film, il ne me donne pas du tout envie d’être un jour désigné membre d'un jury lors d'un procès, quelle galère.
Un dernier mot concernant le casting, entièrement masculin (oui on est en 1950, et l’histoire nous rappelle cette honte que l’humanité se traine et qui s’appelle le sexisme). Les acteurs sont exceptionnels. Il n’y en a pas un seul qui fait tache. Tous sont crédibles, ce qui contribue, je crois, à l’intensité et à la réussite de ce chef d’œuvre.
Je ne pensais pas du tout aimer, et j’ai adoré. Des défauts ?... Je n’en trouve aucun.