Personnellement, j’ai préféré la version de 1941 à celle-ci. Le scénario est vraiment très proche, si ce n’est que dans cette version sont présentes des différences qui font tache.
Le film démarre très bien avec la Toccata et fugue en ré mineur de Bach au générique qui annonce clairement un film d’horreur. On est en caméra subjective selon le point de vue d’un Jekyll jouant de l’orgue qui nous parait bien sinistre et mystérieux. On est d’autant plus déçu par la suite.
Les acteurs sont globalement moins bon. Spencer Tracy bien que peu crédible en aristocrate londonien est moins fade que Fredric March qui fait trop sage en Jekyll et tout aussi américain. March est plus marquant en Hyde, mais pas pour de bonnes raisons. Ingrid Bergman en Ivy vaut le détour à elle toute seule dans la version 1941.
Le film est chiant comme la pluie. L’intrigue s’enlise dans les frustrations pleurnichardes de Jekyll et sa fiancé, ainsi que les jérémiades de son futur beau-père. Jekyll est très malheureux parce qu’il ne veut pas attendre de si longs mois pour se marier. Le futur beau-père fait sa drama queen parce que Jekyll ose arriver en retard et poser des lapins, c’est inexcusable même pour un médecin ! On dirait la rouquine geignarde dans les Spider-Man de Raimi.
Ce qui dérangeait le beau-père chez Jekyll dans la version de 1941 sont les embrassades en public, ce qui est cohérent avec la thématique du film. Comme dirait l’autre, les amoureux qui se bécotent sur les bancs publics n’avaient pas de petites gueules bien sympathiques pour la bonne société.
Le défaut majeur est évidement la version de Hyde. Si la transformation progressive est réussie, la créature finale est catastrophique. On a une espèce de version simiesque de Mr Hyde complètement grotesque. Il va se balader tranquillement alors qu’il n’est clairement pas humain.
Hyde a plus l’air plus sauvage et con que malveillant, bien que visiblement conscient de sa condition. Ivy, sa souffre-douleur, est révulsée par son physique. Dans la version de 1941, la laideur physique de Hyde est secondaire, ce sont davantage ses manières qui choquent, empreintes malgré tout d’un certain panache :
Ivy, my darling, you belong with the immortals. Come with me to Mount Olympus. Drink nectar with the gods. Sing the ancient songs of pleasure. And put Athena and Diana to shame.
Il est pervers, cruel, manipulateur et surtout sadique. L’emprise sur Ivy sera à la fois physique et psychologique (argent, gaslighting…) et n’a rien d’une histoire d’amour contrarié.
Ce Mr Hyde de 1931 est inadéquat parce qu’il n’est pas assez humain. On a beaucoup de mal à croire que ce Jekyll ait grand-chose à réprimer dans son subconscient, là où le Jekyll de 1941 éprouvait clairement du désir pour Ivy. Il semble malveillant plus par frustration qu’autre chose. Si Hyde n’avait pas été laid, il n’y aurait plus eu d’intrigue.
Le film s’est planté et n’a pas su choisir entre :
- Un film psychologique qui mette en lumière le mal que nous réprimons en nous.
- Un film d’horreur similaire à Nosferatu.
- Un film d’amour impossible avec un homme singe.
Au final, on n’aura eu droit qu’à une version incel de La Belle et la Bête.