Très présent au cinéma dans les années 50 à 70, avec notamment les versions de la Hammer, Dracula a été copieusement ignoré par le public dans les années 80, au profit des méchants de teen-slasher (Michael Myers, Freddy et autres Jason). Francis Ford Coppola lui offrit un retour en grâce avec cette version flamboyante et originale de 1992, qui affiche une volonté d’être fidèle au roman de Bram Stoker.
Originale car Coppola évince l’image du vampire froid, dominateur, rigide, et vêtu de son costume et sa cape noire, popularisée par Bela Lugosi et Christopher Lee. Ici, Dracula est un personnage tragique et romantique, victime d’une malédiction, et sincèrement amoureux de sa proie. Les sentiments seront au cœur du récit, ce qui n’est pas pour déplaire, avec une touche d’érotisme bienvenue. Certains y ont par ailleurs vu une allégorie du SIDA, dont l’épidémie faisait rage à l’époque.
Flamboyante car le film est un régal visuel, à la fois baroque et gothique. Tout d’abord, il affiche une distribution prestigieuse, dont certains s’en donnent à cœur joie. Gary Oldman se lâche en vampire tourmenté, s’avérant à la fois séducteur, prédateur inquiétant, ou amant troublé, au gré des divers maquillages très variés. On citera aussi un Anthony Hopkins qui cabotine doucement en Van Helsing. Des jeux excessifs, qui en rebuteront peut-être certains, mais qui vont de pair avec l’ambiance.
En revanche, on ne peut qu’être mesuré devant la prestation fade de Keanu Reeves, et sa tentative douteuse d’imiter l’accent anglais. Un résultat qui sera d’ailleurs fort critiqué à l’époque, et souvent considéré encore aujourd’hui comme parmi les pires imitations d’accent. Ceci dit, les coquins se conforteront avec une courte mais dénudée apparition de Monica Bellucci, alors inconnue…
Outre ses interprètes, « Bram Stoker’s Dracula » est un spectacle généreux. Des palettes de couleurs magnifiques, des décors, maquillages & costumes riches et somptueux, et des effets visuels à l’ancienne (maquettes, ombres, matte painting), Coppola ayant choisi de faire référence aux origines du cinéma. Se dégage ainsi une atmosphère des plus enflammées, qui n’est pas exempte de fautes de goût (les visions subjectives sont parfois à la limite du grotesque), mais se détache singulièrement des versions précédentes de Dracula.
Quant au scénario, sa proximité avec le roman lui permet d’afficher des éléments ou personnages habituellement non traités par les autres adaptations… au risque d’en sous développer certains (Renfield est par exemple presque inutile à l’intrigue). Néanmoins, le succès de cette œuvre à la fois audacieuse et respectueuse du matériel d’origine marquera son temps, remettant les vampires au goût du jour, et impulsant une adaptation de « Frankenstein » dans la même veine. L’objectif de Coppola fut donc atteint, à savoir réaliser un film d’horreur se hissant proche de l’influence de « The Shining » ou de « The Exorcist »… qui sont par ailleurs ici visuellement référencés !