Dragons 3 : Le Monde caché
6.9
Dragons 3 : Le Monde caché

Long-métrage d'animation de Dean Deblois (2019)

Presque dix années après avoir été amorcée, une trilogie parmi les plus marquantes du 21ème siècle se clôture enfin. Dragons marquait le passage à l’âge adulte d’Harold et narrait son amitié naissante avec un dragon mythique redouté de tous. Sa suite introduisait une figure maternelle complexe et questionnait une fois de plus les rapports entre l’homme et la nature. Ce dernier épisode, d’une beauté formelle étourdissante, réitère certains enjeux, mais enclenche surtout un processus d’émancipation conçu en miroir, impliquant tant le jeune leader des vikings que sa désormais célèbre Furie nocturne.


Au début de Dragons 3 : Le Monde caché, la communauté de Beurk vit une existence bien ordonnée : Harold est un jeune leader respecté, mais doutant de lui-même ; il file le parfait amour avec la ravissante Astrid et passe ses journées en compagnie de l’indéfectible Krokmou, une furie nocturne qu’il a depuis longtemps apprivoisée ; lui et ses compagnons se lancent occasionnellement dans des opérations périlleuses visant à libérer des dragons retenus en captivité par des chasseurs. La séquence d’ouverture du film nous montre ainsi, notamment à l’aide d’un plan-séquence spectaculaire, ces vaillants vikings intervenir sur un bateau de trappeurs. Mais bientôt, c’est à Grimmel le Grave, tueur de furies, que les héros de Dean DeBlois vont devoir se frotter. Celui-ci cherche à capturer Krokmou en l’appâtant à l’aide d’une femelle blanche baptisée Furie Éclair. Il peut compter à cette fin sur d’effrayants dragons cracheurs d’acide, pour lesquels il constitue un alpha autoritaire et irrévocable.


Ce qui frappe en premier lieu dans le dernier acte de cette trilogie de qualité – et très lucrative –, c’est la splendeur graphique déployée et le soin accordé aux détails. En usant d’un outil révolutionnaire appelé MoonRay, l’équipe technique du film parvient à multiplier les éléments et accessoires dans le cadre, à animer le feu comme jamais auparavant, à fondre des dizaines de milliers d’images numériques dans un seul plan, à faire cohabiter plus de 65 000 dragons autonomes, d’une pluralité déconcertante, au cours d’une seule séquence, dans le Monde caché de Caldera… La débauche de formes, de couleurs et de mouvements s’avère souvent confondante de beauté, voire de poésie. C’est une mécanique d’emprise qui s’exerce alors sur nos sens, non seulement lors de la découverte du Monde caché, mais aussi lorsque les deux furies s’éveillent l’une à l’autre, ou lorsque l’on explore, en préambule, Beurk et ses environs.


Toujours inspiré des livres de Cressida Cowell, Dragons 3 embrasse des thèmes bien plus profonds qu’il n’y paraît. Le déracinement, la quête d’un nouveau monde protecteur, le substrat culturel des civilisations, la construction d’une cohésion autour de valeurs communes – l’harmonie avec les dragons, par exemple – plus que par un habitat bien défini – le village ancestral des vikings –, la perte d’un être cher volant enfin de ses propres ailes – au sens propre comme au sens figuré –, le besoin d’émancipation, l’amour et l’épanouissement qu’il porte en son sein, la place de l’homme au sein de la nature et celle du mythe dans l’humanité, tout cela conduit le film, sans embûche, vers un dénouement à la symétrie parfaite, où Harold et sa Furie parviennent enfin à s’accomplir, personnellement et familialement. Le tout se fait partiellement sous l’égide de personnages féminins forts. Astrid permet par exemple à Harold de s’affirmer en tant qu’homme et chef, tandis que sa mère, héroïne du deuxième film, lui rappelle que l’espèce humaine restera à jamais une menace pour les dragons.


C’est une histoire amorcée il y a presque dix ans, et occupant une même équipe depuis tout ce temps, qui s’achève sous nos yeux révérencieux. Malgré un décalage de trois années dû au rachat des studios DreamWorks par le groupe de télécommunication Comcast et une refonte des grandes lignes du scénario – initialement, le méchant devait être une nouvelle fois Drago –, Dean DeBlois façonne une œuvre touchante, visuellement splendide et loin d’être dénuée d’épaisseur. Nous en retiendrons néanmoins un léger bémol : si les enjeux se révèlent passionnants, les éléments qui y président n’ont en revanche rien de surprenant, comme en attestent certains mimétismes avec le second épisode. Un grain de sable qui ne suffit heureusement pas à gripper la machine.


Critique publiée dans Le Mag du Ciné

Cultural_Mind
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le 4 févr. 2019

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