Un an après le tableau sombre et très controversé Le Guerrier Silencieux (Valhalla Rising), le réalisateur danois Nicolas Winding Refn signe ici un éclatant thriller néo-noir. Drive, son septième long-métrage. Un véritable OVNI cinématographique alliant judicieusement douceur et violence, amour et haine, dont le caractère gravitationnel nous maintient en apesanteur pendant près de 2 heures. Sans grande surprise, il séduit le jury cannois et obtient le Prix de la mise en scène lors du festival 2011.
Adapté du roman éponyme de James Sallis par le scénariste Hossein Amini, le film est épuré de manière chirurgicale, tant dans les dialogues que dans l'image. Il va à l'essentiel et évite tout attribut superficiel. Pour y procéder, Refn utilise le silence comme élément majeur. Un procédé utilisé par d'autres cinéastes et certains musiciens qu'ils définissent clairement comme "hypnose de masse". Procédé complexe qu'il faut savoir manier, le danois s'en tire merveilleusement. Ce silence est accompagné d'images fluides et léchées, de superbes plans contemplatifs avec des zooms très lents dirigés souvent sur les expressions faciales des personnages qui se clôturent par de délicats - quasi-délicieux - fondus au noir. De petites prouesses techniques qu'un certain Stanley Kubrick confectionnait particulièrement...
A cette atmosphère anesthésiante vient s'ajouter un autre composant conséquent, il s'agit de cette fascinante bande originale au thème electro-pop qui a tendance à nous propulser hors du temps et nous laisser flâner au milieu de nos fantasmes. Des titres composés en grande partie par Cliff Martinez, mais elle nous offre également des bijoux du genre comme l'ultramoderne Nightcall du DJ français Kavinsky, le bouleversant Oh My Love de Riz Ortolani ou encore A Real Hero du groupe College.
Pour couronner le tout et ainsi mener à son terme le façonnage du chef d'oeuvre, comme à son habitude, NWR s'entoure d'un casting cinq étoiles, entre autres : Ryan Gosling dans le rôle du driver, Carey Mulligan qui dans la même année nous offre une performance extraordinaire dans le troublant et chronique Shame. Mais aussi le polyvalent Bryan Cranston, Ron Perlman et la pulpeuse Christina Hendricks.
C'est avec un vrombissement qu'on amorce la première séquence. Un bruit menaçant déflorant dans la nuit, les rues vierges et foncées de Los Angeles. D'un coup d'accélérateur, le mystérieux et magnétique driver éveille nos sens et nous offre là le préambule d'une oeuvre abreuvée de violence et de paradoxes qu'engendre l'essence humaine.