The driver est un héros, sans pouvoir et sans altruisme, d'une nature taciturne.
La séquence d’ouverture, d’une grande virtuosité, présente ce personnage lors d'une course-poursuite et le mode opératoire qu'il adopte.
Cette lutte calibrée avec les forces de police se boucle apaisement sur la vue large de la ville lumineuse, et en fond de toile cette musique qu'il est bon d'écouter à toute heure. Une bande-son exceptionnelle qui donnera le sourire aux lèvres à tous les amateurs de sons électroniques.
Un pro du volant la nuit à la solde des truands. Un cascadeur de cinéma hollywoodien le jour : au-delà de ces deux attraits, cet homme solitaire à l'assurance confirmée et au visage fermé, a une vie bien rodée. Il va rencontrer une jeune femme, Irene, et son fils, avec lesquels il va tisser des liens, laissant échappé des brins de sentiments.
Les habitudes nocturnes et les méthodes drastiques du pilote vont être bousculer, tout un quotidien parasité, quand le mari d'Irene, qui purgeait une peine de prison, va rejoindre ce beau petit monde qui menait une vie tranquille jusqu'à son arrivée. L'ex-prisonnier va subir une agression de la part de ses anciens co-détenus qui lui réclament de l'argent pour des raisons qu'on découvrira petit à petit, ajoutant à ça des menaces sur sa petite famille.
De sa pulsion naturelle, The Driver se sent concerné, plus qu'à l'accoutumée, lui qui n'a rien demandé à personne, et à qui on a rien demandé non plus d'ailleurs. Il fonce malgré tout dans le merdier qui l'attend. Un fou du volant, et aussi un fou tout court. Mais un fou mesuré.
Sous ces airs simplistes, Drive dégage une ambiance particulière, merveilleuse. Les enjeux qui découlent du scénario ne sont pas compliqués. Et c'est avec cette simplicité que Refn nous pond un récit intelligent et minutieux. Aucune dénaturation, quelle qu'elle soit, les rôles de mafieux ne sombrent jamais dans le caricatural, et le réalisateur nous le fait bien comprendre en transcendant le pitch de départ par la mise en scène, au profit d'un casting de haut vol. Les plans qui défilent les uns après les autres sont formellement parfaits et servent chacun des acteurs grâce à des éclairages toujours maîtrisés, des couleurs flamboyantes qui les embellissent.
Le rythme est singulièrement maîtrisé. Parfois, il ne se passe rien. D'autres moments font place à de simples échanges de regards, de longues secondes exemptes de fioritures. Ce qui m'a le plus fasciné, c'est cette alternance d'images fluides sur le bolide du driver et de vues aériennes sur la ville obscurcie.
Quand le héros ne s'occupe pas de réparer ses voitures au garage au côté de son mentor Shannon, il s'en va à bord de sa Chevrolet Malibu de 1973, avec laquelle il aime vagabonder dans la mégapole californienne. Un mot sur Ryan Gosling quand même, qui joue son personnage à la perfection, ce personnage qui multiplie les facettes : cascadeur, mécanicien et pilote.
Et quand il doit aider les malfaiteurs, The Driver sort du garage de nouveaux bolides, ainsi que toute une panoplie pour les opérations à venir ─ une montre accrochée dans un endroit du volant, des mitaines de cuir, une veste argentée derrière laquelle est brodé un scorpion doré, puis la petite touche personnelle, un cure-dent pour faire plus viril, plus bad boy. Un cowboy des temps modernes qui, suite à une relation platonique avec sa dulcinée, se lance dans un bordel duquel il sortira le visage ensanglanté. Le sang des autres, rarement le sien.
Drive constitue, à mon sens, le meilleur film du cinéaste danois. Une oeuvre esthétisante ponctuée par des explosions de violence, notamment quand le héros redevient une machine qui doit exécuter coûte que coûte un acte. Pas de morale ou de moralisateur à proférer, mais une narration dénuée de bavure, et un déluge de rêveries à contre-sens. Tout en champ et contre-champ dans un véhicule comme à pieds, le montage en traveling est monstrueux. Refn a posé ses griffes, et c'est à ça qu'on reconnaît un coup de maître.
Le film "cool" par excellence, je valide mille fois ! Faisant vibrer la fibre nostalgique de tous ceux qui se jetteront dans cette société antinomique sous tension, le terrain de jeu du driver qui ne cesse de rouler à l'allure des mélodies pop-synthés.