Vu en avant-première, en présence de Nicolas Winding Refn.
Après le passif-agressif « Bronson » et le trip viking « Valhalla Rising », Nicolas Winding Refn nous revient cette fois avec un film plus accessible, sans qu'il soit grand public pour autant, et au sein duquel il convoque aussi bien l'œuvre du génial Michael Mann (« Le Solitaire ») que « Police fédérale Los Angeles » de Friedkin, ou encore « Halloween » de John Carpenter, voire McTiernan à travers un clin d'œil à la scène mythique de l'ascenseur dans « Une journée en enfer », ou encore le cinéma de Gaspar Noé. Cette démarche ultra référentielle peut faire penser à celle de Quentin Tarantino, avec qui il partage en outre cet amour pour la série B, les explosions de violence inopinées et une utilisation experte de la musique, car, ultime preuve de bon goût, Winding Refn fait vrombir mes beats électroniques préférés en utilisant des morceaux de College et Kavinsky pour habiller des séquences où sont déployés des trésors de virtuosité.
Pour ce nouveau film, le cinéaste danois opte en effet pour une réalisation qui est tout simplement la classe américaine incarnée, faite de ralentis sublimes et de choix de mise en scène audacieux, avec des plans qui marquent durablement la rétine, un sens précis du cadre et une photographie qui célèbre l'invention de l'électricité à grands coups de néons multicolores.
Dans le rôle principal, Ryan Gosling a rarement été aussi bon me semble-t-il, sachant se montrer à la fois intense et mystérieux, et on sent bien que le cinéaste a trouvé en lui son alter ego parfait, ils ont d'ailleurs pour projet de retourner ensemble dans la foulée avec « Only God Forgives », une histoire de vengeance sur fond de boxe thaïe. Il interprète avec « Drive » un personnage de Bon Samaritain, qui passerait même limite pour un gentil naïf s'il n'était pas par ailleurs chauffeur pour des braquages à main armée, et qui surtout va se muer en ange exterminateur, laissant transparaître au fil de l'histoire un aspect terrifiant derrière son petit sourire d'enfant de cœur.
Celle qui lui fait autant d'effet, c'est la délicate Carey Mulligan, qui compose là un magnifique personnage de mère prise au piège avec un mari qui va sortir de prison. C'est à son contact que notre protagoniste va tout d'abord s'humaniser, pour finir par s'attacher à elle et alors tout faire pour la protéger elle et son enfant, quitte à devoir déverser des flots de sang.
Winding Refn sculpte son héros sans nom, image après image, lui ajoutant autant de signes distinctifs afin d'en faire une icône cinématographique : la démarche assurée, le mot rare, l'œil avisé, le blouson avec le scorpion doré dans le dos, les gants en cuir pour une conduite sportive et le cure-dent vissé au coin des lèvres. Avec sa panoplie d'as du volant, Gosling déborde tout simplement de charisme et embrase l'asphalte de tout son être.
Les seconds rôles sont quant à eux au diapason, la plupart des acteurs étant piochés dans les meilleures séries télévisées du moment, et le réalisateur parvient à en tirer le meilleur : Bryan Cranston (« Breaking Bad »), Oscar Isaac (« Sucker Punch »), Christina Hendricks (« Mad Men »), Ron Perlman (« Sons of Anarchy ») et Albert Brooks (« Weeds »), qu'on a d'ailleurs sans doute jamais vu aussi bon avec un rôle de gangster adepte des exécutions à l'arme blanche.
Le film souffre peut-être un peu de son côté froid et distancé, et j'aurais sans doute aimé être un peu plus touché, mais si vous voulez assister à la naissance d'un héros et à la fascinante construction d'un mythe américain, si vous voulez voir un film puissant et jouissif qui ressemble à du Cinéma avec un grand C et qui sent bon les eighties, n'hésitez pas une seconde à allez voir « Drive » dès sa sortie en salles le 5 octobre prochain.
En route !