Doit-on y voir une métaphore du scorpion, l'animal cousu sur le blouson aluminé du héros dans Drive ? Tout dans le film est structuré comme une attaque de l'animal : une attente, une puissance endormie, qui se révèle avec fulgurance. La piqûre abat en quelques secondes sa proie. Lorsqu'à un moment, dans le film, le personnage est submergé par la haine, la caméra montre l'arrière de son blouson : la respiration fait bouger le motif de façon à laisser penser que la bête s'est réveillée.
Drive n'est pas un film d'action, encore moins un film de voiture ou de courses poursuites. Contemplatif, la mise en scène travaille ce personnage - un héros sans nom - pour le réduire, derrière une coupe de cheveux impeccable, à cet être sauvage où semble surgir une violence - une barbarie - incontrôlée. De façon systématique, le film montre ces états latents de calme, de sang froid, de puissance (dans le sens masculin du terme) endormie. La première course du film montre cela en renversant les codes du genre. La scène du parking, et l'attente de 4 minutes à bord de la Ford Mustang - elle-même exprimant idéalement par ses lignes cette masculinité et cette violence intense (et filmée ainsi) - témoigne de cette volonté, sous l'hypnotique morceau Chromatics. Cela, avant d'assister à une scène d'action aussi courte que terriblement brutale.
Le personnage, placide, animé par son désir de vengeance et son souhait protecteur, semble a priori inaccessible. C'est toute la mise en scène du réalisateur qui le fait parler, que ce soit dans l'irréelle scène de l'ascenseur ou avec des effets de répétition : souvent filmé de profil dans sa voiture, on le voit petit à petit céder à la pression, quand il passe sa main sur son visage, exténué, pour la première fois, alors qu'il était toujours placide. En contrepoint à la violence éphémère mais exacerbée du film, les sentiments sont montrés avec une pudeur tout aussi extrême, ce qui ne gâche rien à l'impact.
Surtout, c'est la transformation progressive du héros qui montre sa dégradation psychologique. Son blouson devient progressivement maculé de sang et, pour satisfaire une suite de crimes, il enfile son masque, passant de placide à plastique, un automate programmé, inarrêtable, pour cacher ses tremblements intérieurs.
Voilà, peut-être, la réponse aux paroles du thème principal : "There's something inside you, it's hard to explain".