Voilà un travail bien délicat que d'écrire ces quelques lignes sur un film ayant réuni une pléthore de critiques en majorité dithyrambiques. Reparti de la Croisette avec cinq nominations et le prix de la mise en scène sous le bras, Drive était déjà avant sa sortie, un incontournable. Si certains reprochent au film une bande-annonce trop "course-poursuite", à l'instar d'un "Fast and Furious", très éloignée du rythme lancinant du métrage (jusqu'à porter plainte pour "bande-annonce trompeuse"), on ne peut que s'en réjouir : Drive n'est pas un film de course-poursuite ! Ne vous y trompez pas, malgré son allure de thriller froid sur toile fond de mafia et autres braquages, Drive est avant tout un film de "super-héro".
Mécanicien/cascadeur le jour, transporteur la nuit. D'un calme implacable, solitaire, c'est Irène, la charmante voisine (dont le charme émane du visage plein d'innocence de Carey Mulligan), qui le détournera de cette vie, réglée comme les aiguilles d'une montre. Prêt à tout pour protéger la belle, il se lance dans une traque sans merci, à la recherche de ceux qui la menacent. Au détour d'un entrepôt, l'action démarre. Rare, elle n'en reste pas moins d'une telle intensité qu'elle nous laisse le souffle court.
Nicolas Winding Refn, qui signe son premier film sous la bannière étoilée, est un gourmand. Il bouffe des films. Se nourrit de cet art qu'il chérit avec passion. Et ça se voit. La mise en scène, très inspirée, alliée à un montage linéaire (preuve en est que l'on peut installer une action tendue sans pour autant abuser du ciseau, n'est-ce pas M. Greengrass) touche à la perfection. Nous gratifiant de plans nocturnes simplement sublimes d'un Los Angeles aérien, le réalisateur de Bronson rend beau ce qui ne l'est pas. Car tout est moche dans Drive. Des décors aux costumes, l'aspect rétro de la direction artistique semble tout droit sorti d'un "Grand Theft Auto".
Drive est un film qui s'attache profondément à l'humain, il est donc d'une extrême violence. Une violence imputable à l'Homme, qui, même animé de la plus humble des intention, peut-être capable des pires atrocités. Une violence qui illustre à merveille cet adage : "l'Homme est un loup pour l'Homme". La personnalité complexe de notre chauffeur contraste avec le manichéisme parfois cliché de ceux qui l'entourent : à l'image des héros de nos bandes dessinées, il n'est ni complément gentil, ni méchant.
On assiste ici à la quintessence de l'héroïsme, nous rappelant ce que les films de super-héros nous ont fait perdre de vue : de grandes responsabilités ne découle pas d'un grand pouvoir (désolé oncle Ben), mais bien de notre humanité, notre besoin de protéger son prochain. Un besoin ici poussé à son paroxysme, puisque que l'intention du driver va jusqu'à dépasser les limites de sa propre existence. Il s'oublie, et oublie par la même toute mesure, toute conscience. Une vision amplifiée par cette musique, envoutante, "A real hero", qui laisse entendre que l'on peut être un simple humain, et un véritable héro.
Drive ne se regarde pas, il se ressent. On suit ce personnage sombre éveillé par l'amour, joué par un Ryan Gosling au sommet, qui roule vers son destin. On oublie notre condition de spectateur, emporté par une bande originale électrisante dans une dimension onirique. Drive est une tragédie grecque moderne, qui se vit comme un rêve éveillé. Servi par une mise en scène magistrale pour une immersion totale.
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