La vraie vie s'immisce dans l'art, l'art s'immisce dans la vraie vie. Le très talentueux Ryusuke Hamaguchi le démontre ici avec toute la subtilité que l'on commence à lui connaître à travers un personnage principal qui se refuse à jouer le rôle-titre d'Oncle Vania, car il lui rappelle un peu trop son propre vécu, préférant en conséquence adopter la mise à distance du metteur en scène.
Le théâtre, c'est la vie, la vie, c'est le théâtre. C’est représenté notamment par l'intérieur d'une voiture où deux êtres vont apprendre, petit à petit, à se connaître et à s'apprécier, se confiant de plus en plus l'un à l'autre à travers de nombreux échanges. Grâce à ces derniers, ils vont avoir chacun le courage d'affronter leur passé et ainsi d'aller de l'avant.
Il y a aussi cette notion belle de l'universalité de l'art qui arrive ici, grâce à certaines astuces bien imaginées de notre protagoniste dans son métier, à transcender la barrière des langues ; ce qui fait qu'il peut choisir de prendre des interprètes de toutes les nationalités ou de tous les handicaps.
La réalisation du cinéaste, aimant prendre son temps pour bien en laisser aux spectateurs pour faire connaissance avec les divers caractères, de bien laisser respirer l'intrigue, de s'attacher à des détails secondaires ne faisant que rendre plus authentique et plus tangible l'ensemble (oui, ils font des courses, car ils ont besoin de se nourrir, comme vous et moi ; oui, leur voyage est long et épuisant, car un voyage, c'est long et épuisant parce que ce n'est pas uniquement un départ suivi tout de suite d’une arrivée !), pour qu'on soit bien imprégné de leur monde, pour qu'on s'identifie à eux, comme si on les connaissait depuis toujours. Ce n'est pas pour rien que le début pré-générique dure 30-45 minutes. C'est nécessaire pour que l'on puisse comprendre par la suite les motivations les plus enfouies et complexes de celui que l'on va suivre le long des presque trois heures du tout.
Et vous kiffez les longues scènes en voiture qui ne sentent pas le fond vert ? Moi aussi, je les kiffe beaucoup. Vous ne pouvez pas savoir combien je les kiffe. Là, c'est le paradis. Vous allez être servi généreusement.
Une œuvre juste, humaine, chaleureuse, l'air de rien ou comment on en arrive à un tel degré de finesse qu'une banale séquence dans un supermarché et sur le parking de celui-ci peut provoquer un gros sourire sur les lèvres (je n'en dis pas plus, je vous laisse découvrir par vous-même !).
Hamaguchi est un maître ; je peux vous le certifier. Il me l'avait déjà montré à deux reprises (Happy Hour, Asako I & II !), il vient de me le prouver une troisième fois.