A la lecture du synopsis, et ne connaissant pas du tout la filmo de ce réalisateur, je dois bien avouer que je ne m'attendais pas du tout à ça. Je me doutais certes que j'allais voir un film d'auteur, mais c'est l'aspect "auteurisant" du métrage qui m'a laissé perplexe. C'est une affirmation que je dis malgré tout avec une certaine retenue étant donné que la prise en compte de la nationalité de ce métrage a toute son importance.
Ayant vécu au Japon pendant une année, et toujours en quête de mieux comprendre cette société ô combien complexe et différente de la nôtre, notamment dans les règles tacites qui régissent ses interactions humaines, c'est naturellement que j'ai une forme de bienveillance à l'égard de sa forme, que je n'aurais sans doute pas eu si j'avais regardé un film équivalent mais français.
Pourtant, force est de constater qu'une certaine forme de bourgeoisie agaçante et presque occidentale émane de ce film, et que, même si on parvient au fond à en comprendre le propos et la démarche, on sent une volonté un peu artificielle de la part du réalisateur, de souligner à quel point son métrage est subtil.
Le problème de mon point de vue est que le film alterne un peu maladroitement entre le suggestif et le démonstratif/explicatif. Parfois la caméra, par ce qu'elle choisit de nous montrer, symbolise ou nous fait comprendre des choses avec une grande justesse, s'affranchissant de nous expliquer avec lourdeur les sentiments et relations des et entre les personnages.
Malgré cela et paradoxalement, le film est extrêmement bavard et les longs monologues explicatifs viennent parasiter le récit lui conférant, sans doute involontairement, un caractère intello que j'ai trouvé vraiment incommodant. C'est d'autant plus ennuyeux que le film se déroule sur trois heures.
De même, les (trop) nombreuses couches allégoriques du scénario visant à éviter la littéralité des thèmes abordés (deuil, culpabilité, résilience) paraissent parfois davantage être une démonstration intellectuelle plutôt qu'une démarche poétique et sincère. Ou en tout cas, elles finissent par perdre le spectateur, au point qu'on a de temps en temps le sentiment que le réalisateur se parle à lui-même, et non à ses spectateurs.
Cette sensation de mise à distance que j'ai ressenti a été aussi accentuée par l'écriture des personnages, frisant par instants avec un irréalisme déroutant, eu égard au cadre plutôt ancré au réel du film. Les réactions des personnages peuvent parfois paraître très naturelles, et parfois assez improbables. Aussi et dans mon cas, j'ai vraiment eu du mal à croire au personnage de l'amant dont les fonctions scénaristiques m'ont paru poussives et incohérentes et en inadéquation avec ce qu'il dégage.
Formellement, c'est assez épuré, et au moins là, le réalisateur nous épargne une lourdeur supplémentaire. C'est souvent beau et simple, et on perçoit la plupart du temps une intention dans le cadre, mais on ne s'encombre pas trop de chichis non plus, ce qui était agréable.
La musique est quant à elle sans réel thème identifiable, mais certaines compositions (celle de l'intro par exemple) sont harmoniquement très intéressantes, en tout cas en tant que tel.
Je ne m'étale pas les thèmes qu'aborde le film, à la fois les plus évidents et les plus complexes qui soit; le deuil et la résilience principalement. Je ne m'étale pas dessus parce qu'au fond, on ne peut pas dire qu'il y ait un message fort, le film est plutôt une exploration en allégories de ces thèmes, à échelle de l'individu, et c'est donc davantage la façon dont ils sont abordés plutôt que ce qu'ils signifient intrinsèquement qui a ici son importance.
C'est donc là que je peux résumer mon propos, je n'ai pas été particulièrement réceptif à cet amas de mises en abîmes, qui a l'air de se vouloir exigeant et peu accessible mais demeure frustrant à la longue et finalement, dans sa pudeur, un peu froid.
J'ai en revanche beaucoup aimé la très longue intro du film, sur la relation entre Kafuku et Oto, et j'aurais souhaité explorer les thèmes abordés ici, mais du vivant d'Oto (la complexité de l'adultère malgré un amour réciproque, la perte d'un enfant).