Réunir sur un plateau Stanley Donen (Chantons sous la pluie, Charade), la grâce absolue d'Audrey Hepburn, les robes griffées Hubert de Givenchy, les pas de danse et la gestuelle de Fred Astaire, la musique de Gershwin avec pour décor Paris, la ville lumière, c'est s'assurer de la plus haute marche du podium de n'importe quel concours d'élégance.
Ça tombe bien puisqu'il s'agit dans ce film d'un photographe qui convainc la directrice d'un grand magazine de mode de faire d'une modeste libraire son égérie, une libraire "intello" à la Drôle de frimousse.
Audrey Hepburn incarne donc cette Drôle de frimousse, sourcils épais, oreilles ostentatoires, beauté baroque, à la silhouette gracile de danseuse étoile contrariée, magnifiée par les tenues Givenchy et réciproquement, aussi sublime sur un podium que captivante dans la fameuse séance de shooting.
Fred Astaire, le photographe, représente encore malgré son âge une classe inégalée, que l'on croirait éternelle, et conserve une formidable expressivité, associant la décontraction à la précision.
Bien aidé par quelques très bons seconds rôles (Kay Thompson, Marcel Auclair), magistralement mis en scène par un Donen toujours inventif et audacieux, le couple vedette rayonne au cours de séquences musicales littéralement mémorables: la découverte de Paris, lumineuse déclaration d'amour, le numéro de danse d'Audrey Hepburn dans l'atmosphère rougeoyante et suffocante d'une boite de jazz, la sérénade de Fred Astaire et sa pantomime de tauromachie, et surtout la scène du mariage qui, à la faveur du passage d'une rive à l'autre sur un radeau d'artifice, délivre un instant unique de temps suspendu, de beauté presque divine. Une merveille.
Évidemment, un tel panégyrique invite fermement à la découverte. Pourtant, Funny face n'est pas le chef-d'œuvre que j'espérais.
Les quinze premières minutes sont poussives, le scénario des plus légers même pour une comédie musicale, la critique des intellectuels germanopratins moins poussée que celle de la starisation dans Chantons sous la pluie. Enfin, parce qu'elle n'est pas assumée, la différence d'âge pose problème. Quelques années plus tard, dans Charade, le même Stanley Donen jouera de cette différence avec humour rendant irrésistible le couple Hepburn-Grant. Ce n'est pas le cas ici, le couple semble dépareillé et manque de complicité.
Attention, ces réserves sont tout à fait relatives: au jeu des comparaisons avec ces deux autres films de Stanley Donen, tout en haut de ma cinémathèque idéale, beaucoup auraient piètre allure et peu de couples égalent la perfection du duo de Charade (même aucun de mon point de vue).
Drôle de frimousse reste donc une très bonne comédie musicale, au visionnage impératif pour avoir la chance de profiter de quelques vrais moments de cinéma tout à fait inoubliables.