Voici un film que je connais depuis longtemps, que j'avais vu à la télé, que j'ai enregistré sur une VHS (pourrie aujourd'hui) et que j'ai maintenant en DVD.
Mon bonheur eût été total si j'avais pu mettre la main sur le roman d'Auguste Lebreton dont le scénario est tiré. Pas de pot, ne l'ayant jamais trouvé dans la (prestigieuse) "Série Noire" chez Gallimard, à un prix abordable, s'entend, je ne l'ai du coup jamais lu malgré les nombreuses rééditions ultérieures … Une manie, dites-vous ? …
Le film est de Jules Dassin, cinéaste au nom qui sonne bien français mais qui est parfaitement américain. Alors qu'il s'est enfui des USA pour cause de Maccarthisme, qui tente de le poursuivre même en Europe, il tourne en France "Du rififi" en 1955 avec la complicité de divers producteurs … Déjà, quelques années plus tôt, mais à Londres, il avait sorti un petit joyau du film noir avec "Night and the City" (les forbans de la nuit) avec Widmark et Gene Tierney.
"Du rififi chez les hommes" ! J'ai beau avoir vu le film je ne sais combien de fois, ça ne m'empêche pas de flipper à chaque fois et aux mêmes endroits du film.
Là, aussi, comme dans "Night and the City", le Destin s'acharne. Mais s'acharne vicieusement. Le Destin laisse la petite équipe préparer minutieusement le cambriolage (sinon, il n'y aurait pas de film, ce qui serait ballot) et d'ailleurs tout roule impeccablement. Mais le Destin veille pour ne frapper que lorsque l'affaire est dans le sac. Et le sac en de bonnes mains … Vicieusement, je vous dis. Il n'y aura pas de rédemption pour les truands. Aucune.
Le cambriolage ? Oui, une petite merveille cinématographique qui occupe une grande partie du film. Une partie muette, sans musique avec juste les bruits légers des truands dans l'accomplissement de leur tâche avec des gestes professionnels très convaincants. J'allais dire sans fausse note, évidemment, puisqu'il n'y a pas de musique …
Tiens, un détail – insignifiant - qui montre la minutie du tournage. Le flic qui fait sa ronde tombe en arrêt devant quelque chose par terre que la caméra ne montre pas. Merde, se dit le spectateur, qu'a-t-il donc vu ou qu'est-ce que les truands ont oublié ? Le flic se penche vers une boite de gitanes qui s'avérera vide … On écrirait des pages sur les détails du tournage de l'ensemble de cette séquence de cambriolage …
Mais il est temps de parler du casting qui s'opère avec de bons acteurs mais de seconde zone. Justement, c'est encore un truc qui s'ajoute à l'actif du film car ça ajoute à la crédibilité des personnages. C'est leur jour de chance à tous
Spoiler : mais une chance que leurs mains n'arrivent pas à retenir et qui glisse, qui glisse désespérément …
Jean Servais, que je n'ai pas vu souvent dans des premiers rôles, est ici fascinant en truand qui sort de centrale et qui est affaibli par une tuberculose. C'est le vieux truand qui ne balance jamais, qui a un code d'honneur pointilleux ; Un dernier round avant la retraite …
Spoiler : ou avant que tout foute le camp.
Robert Manuel, homme de théâtre mais second rôle dans d'innombrables films, toujours débonnaire et sympa.
Robert Hossein dans un de ses premiers rôles, ici de salaud sadique et toxico …
Et pour finir avec le casting, Jules Dassin lui-même dans le rôle de l'expert en coffiots, milanais et que les femmes font tourner en bourrique.
Justement les femmes ...
Je reconnais cependant que les femmes n'ont pas beau schpile ici entre Janine Darcey qui n'a pas vraiment confiance dans les hommes (on peut cependant la comprendre), Magali Noel dans un petit rôle de balance et surtout Marie Sabouret, l'ancienne maîtresse de Jean Servais, une traitresse qui mange à tous les râteliers.
Oui, un beau film noir, efficacement noir dont la dernière image imprègne longuement la rétine : tous ces efforts pour rien sinon pour mourir (plus rapidement).