La formation d'un apprenti shérif
Dans une petite bourgade de l'ouest américain, un chasseur de primes vient taper à la porte du shérif avec un cadavre sur sa mule pour toucher une prime de 500 dollars. Formalités administratives obligent, il va devoir rester plus longtemps que prévu sur place, et très vite, les autochtones vont lui faire comprendre qu'il n'est pas le bienvenu chez eux...
Comme le laisse entendre son titre original, ce western en noir et blanc est avant tout un film sur le métier de shérif. Morgan Hickman est un vieux de la vieille qui a porté l'étoile argentée pendant de trop longues années, tandis que le jeune Ben Owens vient tout juste d'être nommé à cette même fonction par ses concitoyens. Entre le solitaire désabusé et l'officier fraîchement élu, une relation quasi filiale va s'instaurer, et un peu à contrecœur, Morg va enseigner les rudiments du métier à son "apprenti" pour lui éviter de se faire descendre à la première occasion...
Ce long métrage n'est pas exempt de défauts, et tous les passages consacrés au jeune métisse indien sont ainsi un peu lourdingues : on a compris que Morg se cherchait une famille de substitution après avoir perdu sa femme et son bébé quelques années plus tôt, mais cela n'empêche pas ces scènes de casser le rythme du film. La relation Fonda/Perkins est bien plus passionnante, et on ne pouvait rêver d'un meilleur duo d'acteurs pour incarner ces personnages que tout oppose. Regard franc et stetson vissé sur la tête, Morgan Hickman (Henry Fonda) est d'un flegme à tout épreuve : malgré son statut de paria, rien ne l'ébranle, il n'a peur de rien ni de personne, et il vise juste en toutes circonstances. Un vrai badass empreint de sagesse. A l'opposé, Ben Owens (Anthony Perkins) n'a rien dans le pantalon. Malgré son intégrité et son envie de bien faire, il n'a tout simplement pas l'étoffe nécessaire pour occuper cette fonction. Les cowboys locaux ne le respectent pas, et le pauvre bougre passe son temps à se faire marcher sur les pieds sans parvenir à réagir. Anthony Perkins incarne à merveille ce jeune bleu sans assurance, et tout comme dans Psychose, son élocution bégayante apporte un soupçon supplémentaire de sensibilité à un personnage qui semblait déjà très vulnérable.
Parmi les différents thèmes évoqués, on notera le racisme décomplexé des "Américains" à l'égard des Indiens, le refus de l'application de la loi dans un Far West ultra-violent, ou encore le dédain manifeste des hommes de loi vis-à-vis des chasseurs de primes. Les amateurs de westerns seront sûrement ravis de retrouver Lee Van Cleef dans le rôle d'un petit truand, mais sans sa moustache, il faut bien avouer qu'il n'a pas tout à fait le même charisme que dans les films de Sergio Leone.
La scène de fin filmée en pleine nuit est empreinte d'une sacrée tension dramatique, et la manière dont le premier et le dernier plan du film se répondent montre toute la maestria d'Anthony Mann derrière la caméra. Sorti en 1957, "The Tin Star" n'a pas marqué l'histoire du western et reste relativement méconnu à ce jour, mais il vaut assurément le détour pour le couple Fonda/Perkins.