Du soleil pour les gueux
7.7
Du soleil pour les gueux

Moyen-métrage de Alain Guiraudie (2001)

J'ai mis une éternité a trouver ce petit film d'un peu moins d'une heure. Je n'ai malheureusement pas les outils pour disséquer un film (et pourtant celui-ci le mériterait !) mais je ne pense pas trop m'avancer en disant que c'est une vraie pépite.


Nathalie Sanchez, coiffeuse, rencontre Djema Gaouda Lon, berger d'ounayes. Notre héroïne est bien chanceuse, car si elle venait sur ce causse, c'était précisément pour en voir. Alors qu'ils papotent de tout et de rien (mais surtout de rien) nos deux protagonistes ne cessent de croiser la route de Carol Izba, un individu accusé de meurtre, et Pool Oxanosas Dai, éminent guerrier de poursuite lancé a ses trousses.


Ce film ne raconte a priori rien. Il m'a rappelée le théâtre de Samuel Beckett : on parle beaucoup, on s'agite, et pourtant on ne sait pas si l'on dit vraiment (au sens de signifier). Nathalie Sanchez essaie d'avoir des relations sexuelles avec Djema Gaouda, et lorsqu'elle y parviendra, c'est un peu le désenchantement. L'une des grandes questions de ce film est "pour quoi faire ?", et sa réponse est "pour passer le temps".


Pourquoi travaille t-on, pourquoi écoute t-on des disques de musiques, pourquoi a t-on des relations sexuelles ? Pour passer le temps, dit Nathalie Sanchez, même si le temps n'a jamais eu besoin de notre aide pour passer. On a pas vraiment le choix... qu'on le veuille ou non.


La lente monotonie des questionnements de cette coiffeuse, presque dépressive et désillusionnée, se heurte aux rencontres avec Carol Izba et Pool Oxanosas, qui se courent après dans un grand vide, sans jamais s’arrêter. Il y a quelque chose de poétique, de touchant même, a voir un mec passer son temps a fuir, sans trop savoir quoi faire d'autre. Encore une fois, on sent que Beckett n'est pas loin : il faut faire un choix, s'enfuir pour Montpellier ou rester dans le grand causse et se faire attraper un jour, mais choisir est déjà beaucoup trop d'effort : c'est renoncer au mouvement, ce que font l'un et l'autre depuis le début du film et sans jamais s’arrêter, comme les deux faces d'une même pièce.


Et puis au travers de ce film d'une heure, les personnages sont systématiquement tout petits. Le plateau ou le ciel ne quittent jamais l'écran, et nos quatre personnages sont bien souvent écrasés par la nature qui les entoure. Tout est plus grand, on se sent insignifiants.


Avec une conclusion qui n'en est qu'a moitié une, Du soleil pour les gueux a rejoint mon top films préférés. C'est un film court, simple, gentil, on ne se prend pas la tête mais ne se leurre pas non plus sur les maux contemporains. Et pourtant, a aucun moment tout cela n'est déprimant : on esquisse même beaucoup de sourires, ne serait-ce que pour les dialogues presque théâtraux délivrés avec des accents du Sud-ouest. En fait, ce film fait du bien.

Possumette
9
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le 20 juil. 2024

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