Deux gueules incontournables du cinéma japonais et américain se retrouvant sous la caméra d’un auteur de haut calibre, dans un style dépouillé, avec des dialogues à minima, une structure narrative réduite à l’opposition de deux êtres en mode survivaliste, une progression qui débouche sur l’inéluctable solidarité face aux injonctions de mère nature, un demi-siècle plus tard ce film n’a rien perdu de sa force et mériterait une sortie de qualité avec la vraie fin voulue par Boorman.
Avoir Lee Marvin et Toshiro Mifune comme deux seuls interprètes, deux égos à grande gueule, deux tronches incontournables de durs à cuir, les mettre quasiment à nu sur une île déserte à se battre pour un peu d’eau potable et quelques rares bouts de gras, sous l’œil avisé de John Boorman, ça donne un grand film expressionniste à mille lieux des velléités spectaculaires qu’un mauvais cinéaste se serait empressé de mettre en avant.
La narration est rapidement mise de côté pour laisser place à un subtil développement anthropologique sur l’incommunicabilité idéologique balayée par la prise de conscience survivaliste en milieu hostile, le fameux mans vs wild, c’est mieux à deux…, mis en scène par ce grand esthète du dépouillement, admirable photographe, qui n’a pas son pareil pour mixer les couleurs et les tons au gré des émotions traversées par son cinéma. Tel un grand peintre des lumières éveillées. En cela il est, et demeure l’un des dignes héritiers du cinéma expressionniste. Il a donné au technicolor ce que Murnau à offert au noir et blanc. Revoyez un film comme Le Point de Non Retour, son chef d’œuvre à mes yeux…, c’est absolument flagrant.
Film au final massacré par des producteurs d’une relative subtilité, la director’s cut est plus qu’essentielle…, il n’en demeure pas moins un sacré morceau de bravoure spectaculaire totalement expurgé de ses aspérités démonstratives. En plus d’une confrontation au sommet entre deux monstres du cinéma mondial, du genre qui en impose avec un simple décrochement de mâchoire ou un rictus, Hell in The Pacific, on en viendrait presque à lui préférer son titre français…, est le remarquable exercice de style d’un grand auteur, formidable formaliste de l'épure, qui a donné au cinéma naturiste ses plus beaux morceaux de bravoure.