De la douzaine de films de Boorman que j'ai vus, il n'y en a guère qu'un qui m'a déçu, c'est "Duel dans le Pacifique".
Pourtant l'idée de départ est excellente. Deux militaires, l'un américain, l'autre japonais, se retrouvent seuls sur un atoll perdu dans le pacifique. Chacun ne parle que sa langue.
Dans un premier temps, étant ennemis par la force des choses ou par conviction (on ne le sait pas), chacun veut être maître de l'île ou a minima de l'autre. Puis vint le temps difficile mais indispensable de la collaboration pour construire un radeau et quitter l'île.
La photographie et la mise en scène sont de bon niveau. La difficile cohabitation entre les deux personnages est très bien montée. Il faut se rappeler que les deux acteurs Lee Marvin et Toshiro Mifune étaient des vétérans de cette même guerre et que ce tournage n'était probablement pas neutre pour les deux d'autant que ni l'un ni l'autre ne parlait la langue de l'autre.
On pourrait bien sûr discuter longtemps de la réalité de cette sombre rivalité de départ entre les deux personnages. Disons, même si je n'en suis pas tellement convaincu, qu'elle peut être vraisemblable dans la mesure où on a affaire à deux bidasses dont le profil intellectuel, par définition, n'est pas forcément formaté pour les grands sentiments. Ok, à la rigueur. Le seul aboutissement de leur collaboration se concrétise par une bonne biture au saké avant de se fâcher à nouveau. Ok. Pourquoi pas.
Seulement, voilà. Je veux bien que tout ceci soit nécessaire. Mais est-ce bien suffisant pour faire un bon film (suivant mes critères) ?
L'idée de réinventer l'histoire de Robinson Crusoe dans le cadre d'une guerre est excellente mais pour en faire quoi, pour aboutir à quoi ? Pour nous dire que les deux militaires sont mentalement tellement éloignés l'un de l'autre (idéologie, cultures différentes) qu'ils ne peuvent pas sortir de leurs cadres respectifs et, au mieux, retournent à leur statut initial d'ennemi. Tout ça pour ça !
La haine est tellement ancrée dans chacun des personnages que même l'effort de la collaboration n'a pas suffi à la transcender.
Personnellement, je reste sur ma faim. Alors qu'il y avait d'autres possibilités bien plus intéressantes sans aller à un quelconque happy end qui aurait tout aussi été mal venu.
Simplement développer des valeurs humanistes de reconnaissance ou de respect mutuels. Sans même parler d'intégration ou d'amitié.
Et ce n'est pas la fin imaginée par les producteurs ou la fin, dite alternative, voulue par Boorman qui ne me satisfont.
Spoiler : dans la fin voulue par Boorman, les deux militaires retrouvent leur attitude (patriotique !) d'ennemis. Dans celle retenue par les producteurs, les deux militaires, fâchés, disparaissent dans une absurde explosion inattendue, sortie d'on ne sait où, juste avant le mot "End".