Beaucoup d'encre a déjà coulé sur Dune, mais j'avais envie d'ajouter mon grain de sable.
En tant que fan de science-fiction de manière générale et du roman de Frank Herbert en particulier, il est clair que je guettais l'arrivée de Dune avec une certaine fébrilité. Le nom de Denis Villeneuve, capable de donner une suite miraculeuse au chef-d'oeuvre Blade Runner, avait de quoi rassurer les anxieux. Disons-le d'emblée : il ne fait aucun doute que le Québécois admire profondément le livre culte de 1965 et qu'il s'est évertué à lui rendre un bel hommage. Le réalisateur a fait le choix courageux de s'adresser aux adultes : pas question de copier l'esthétique, le ton ou la narration des productions de SF pour adolescents qui pullulent depuis Hunger Games ! Villeneuve dévoile ainsi son univers par petites touches, suggère les choses (les mentats par exemple) plutôt que de les marteler dans le crâne du spectateur, assume un sérieux qui évite d'être trop pompeux. Il préfère les décors réels (superbe Norvège ! Majestueuse Jordanie !) au tout numérique et n'hésite pas à faire durer ses plans, confiant dans l'emprise générée par ses superbes images, par la présence de ses acteurs (notamment le noyau dur Timothée Chalamet-Rebecca Ferguson-Oscar Isaac) et la surpuissance du "score" de Hans Zimmer. En cela, Dune est une bolée d'air frais dans le monde formaté des blockbusters.
Mais alors, pourquoi suis-je sorti de la salle de cinéma avec un sentiment mitigé ?
Je crois que la sobriété de la direction artistique m'a empêché d'être totalement embarqué dans cet univers. Les architectures brutalistes impressionnent et les ornithoptères-libellules fonctionnent à merveille mais l'univers manque de vie, de crasse, d'exotisme peut-être. Les costumes s'avèrent plutôt ternes, notamment les fameux distilles destinés à survivre dans le désert. Ce dernier, censé être un enfer invivable la journée et constituer un personnage à part entière, n'est d'ailleurs jamais vraiment menaçant, même en présence du fameux ver des sable, dont l'apparition ne provoque pas le choc visuel espéré. Cruciale, l'Épice et ses fabuleux pouvoirs sont tristement relégués au second plan. Il manque clairement un grain de folie à cette adaptation appliquée mais sage, grain de folie évidemment présent dans la version hallucinée avortée de Jodorowsky, mais aussi dans celle, pourtant très imparfaite, de Lynch.
En tant que familier de l'intrigue, j'ai observé les événements ô combien tragiques que vivent les Atréides avec une certaine distance, parfois teintée d'indifférence. La caractérisation des personnages manquait de profondeur, la mise en scène de panache... Dix ans après le début de Game of Thrones, les intrigues politiques de Dune paraissent plutôt simplistes et manichéennes, sans parler de l'absence à l'écran de l'empereur Shaddam IV, pour le moins étrange. Seul le personnage de Paul, accablé par le poids de sa destinée, parvient à réellement susciter l'empathie. Que dire des scènes d'action ? L'attaque de la capitale d'Arrakis ne provoque guère d'émotion, avec ses multiples bombardements et explosions filmés de loin. Où sont donc passés les civils ? La ville apparaît aussi immense que factice. En outre, les combats entre soldats des différentes factions, parasités et aseptisés par l'omniprésence des boucliers-champs de force, peinent à passionner. Sans tomber dans le film d'arts martiaux virtuose, le cinéaste aurait gagné à soigner davantage ses affrontements à l'arme blanche, à affiner ses chorégraphies... Dommage.
Il n'empêche, alors que beaucoup de films de science-fiction se vautrent dans le kitsch et la surenchère d'effets spéciaux vite démodés, Dune faut preuve d'une certaine élégance et sa retenue semble plaire à un très large public. Espérons que le deuxième volet, qui devrait mettre enfin les Fremen à l'honneur, se montre tout de même plus audacieux !