Malgré le fait qu’il soit affublé de la tête de Timothée Chalamet, le jeune Paul Atréides est voué à un destin extraordinaire, bien qu’il l’ignore encore. Mais les événements se précipitent, lorsque son père, le puissant duc Leto Atréides (Oscar Isaac) est chargé par l’empereur de prendre en charge le gouvernement de la planète Arrakis, et le commerce d’épice qui est sa principale activité. Là, Paul découvre un monde qui compte d’autant plus à ses yeux qu’il pourrait bien le diriger un jour…


Il y a deux types d’erreurs : celles que l’on commet par étourderie, superficielles, et qu’on oublie vite, et celles que l’on regrette toute notre vie. Espérons que l’erreur de Denis Villeneuve soit de la deuxième catégorie et poursuive assez longtemps le réalisateur… De fait, on voit déjà mal comment un esprit normalement constitué pourrait recruter Timothée Chalamet dans un film (sauf pour le faire mourir rapidement, merci Scott Cooper). Bon, lui donner un petit rôle, c'est une chose, mais l’engager pour être le visage d’une des sagas spatiales les plus ambitieuses du grand écran, on ne voit pas bien quelle explication rationnelle pourrait être à l’origine de cette décision.
C’est d’autant plus étonnant que Dune se caractérise par un casting impeccable en tous points. On remercie particulièrement le directeur du casting d’avoir enfin donné à l’excellente Rebecca Ferguson un rôle en vue qui soit pleinement à la hauteur de son talent. Elle fait merveille en Dame Jessica, et compense comme il faut le regard de merlan frit que Chalamet promène sur son entourage pendant tout le film (et qui rend incompréhensibles les répliques du genre « j’ai lu la douleur/la peur/la colère sur ton visage »… Mais non ! Regardez bien ses yeux ! On ne voit rien ! Nada ! Peau de zob !). A tel point que quand il rencontre Zendaya à la fin, le film se transforme en concours de celui qui réussira à adopter le regard le plus vide et le plus prétentieux. Quand on pense qu’à une époque, les spectateurs rêvaient devant Cary Grant et Audrey Hepburn, on ne peut que se poser la seule question qui mérite réellement d'être posée : Hollywood, qu'as-tu fait de ton glamour ?
Achevons rapidement la séquence « règlements de compte » en convoquant à la barre Hans Zimmer. On aimerait savoir le montant de son salaire pour mieux juger du gâchis absolu que constitue l’utilisation d’un argent si précieux par les producteurs hollywoodiens. Le compositeur, qui nous émerveillait jadis à chacun de ses films, s’est enfermé depuis quelques années dans une routine consistant à nous ressortir en permanence la même soupe : cordes langoureuses, notes tenues à l’infini, percussions qui saturent l’espace sonore, voix tribales stridentes… C’en est insupportable, d’autant que la moitié du temps, ça ne colle même pas à l’action ! On comprend bien l’impératif de ne pas reprendre les envolées lyriques d’un John Williams pour ne pas se voir accusé de copie, mais entre John Williams et la BO de Dune, il y a un fossé et on aurait aimé que Zimmer ne le franchisse pas.


Un acteur principal et une bande-originale aussi insipides l’un que l’autre, Dune ne semble pas partir gagnant sur le papier. Pourtant, le film de Denis Villeneuve reste bien évidemment une victoire assez franche. Non seulement, le réalisateur québécois vient de prouver que oui, adapter Frank Herbert au cinéma était possible mais en outre, avec Dune, il vient définitivement de graver son nom aux côtés des Steven Spielberg, Ridley Scott, James Cameron, Peter Jackson et autres Christopher Nolan, comme un grand réalisateur capable de maîtriser une grande fresque épique et de nous offrir un des divertissements les plus colossaux qui soient sortis de l’usine à rêve depuis bien longtemps.
C’est peut-être même à Joseph Mankiewicz, Cecil B. DeMille ou à William Wyler que l’on pourrait comparer Denis Villeneuve, tant la puissance des décors et des plans rappelle ces grands péplums d’antan, et l’on imagine sans peine les étoiles qui devaient envahir les yeux des premiers spectateurs de Ben-Hur au vu de celles qui ont envahi les nôtres pendant la vision de Dune. En effet, chaque plan est une merveille absolue ; de chaque image découle un sentiment de grandeur digne de l’âge d’or hollywoodien. Il faut dire que le soin apporté aux décors n’égale que celui accordé aux effets spéciaux, d’un réalisme à tomber par terre, ce qui a pu faciliter le travail du directeur de la photographie Greig Fraser, qui nous offre bon nombre de plans qu’on avait rarement vus sur grand écran.
Néanmoins, on ne peut que constater que le film souffre parfois du défaut inhérent à son extrême qualité : à force de vouloir faire grand et majestueux, Denis Villeneuve et son chef décorateur Patrice Vermette vident tellement le cadre que tout paraît désespérément froid, vide et excessivement minéral. Jamais on n’arrive à croire que quelqu’un habite dans ces grands espaces vides, il leur manque la touche ornementale qui nous aurait montré l’appropriation par l’homme de cet habitat atypique.
A cette image, l’univers de Dune, aussi fascinant soit-il (et il l’est), peine à prendre réellement vie à l’écran. C’est une succession de peintures ou de sculptures très impressionnantes qui se déroule sous nos yeux, mais on n’a pas l’impression de vivre au même rythme que les personnages.


En revanche, l’excellence du casting réussit sans aucun souci à donner au récit la tonalité shakespearienne qui était déjà celle du roman de Frank Herbert, les grandioses Oscar Isaac et Rebecca Ferguson en tête, suivis de près par les touchants Josh Brolin et Jason Momoa.
En parlant du roman, d’ailleurs, on notera que les scénaristes, eux, sont loin d’avoir chômé. En effet, le film réussit sans trop de problèmes à cerner la narration de Frank Herbert pour la retranscrire à l’écran, sans trahir aucune péripétie. A ce niveau-là, l’adaptation est très fidèle, sans l’être de manière trop scolaire, et démontre que, quand on sait s’effacer devant l’œuvre originelle, on peut faire une adaptation tout-à-fait correcte. En cela, Dune fait figure d’exemple à suivre, même si les plus puristes pourront regretter que Villeneuve reste dans une adaptation relativement superficielle du roman, ne questionnant pas (encore) les grands problèmes géopolitiques et religieux qui agitaient toute l’histoire initiale. Mais soyons honnêtes, cela paraît une mission impossible quand on y réfléchit deux minutes, et ce n’est pas là-dessus qu’on attaquera Villeneuve, d’autant qu’en termes de rythme et de narration, le film se montre donc exemplaire.


Finalement, Dune peut facilement se résumer à travers ce qu’on pourrait appeler le « paradoxe Villeneuve » : du grand spectacle, mais pas (ou peu) d’action. Oui, Dune est un film spectaculaire. Non, Dune n’est pas un blockbuster d’action ou d’aventures.
Il est un blockbuster d’une race bien supérieure à la moyenne, qui renoue avec un cinéma à l’ancienne pour nous en mettre plein les yeux à chaque seconde, mais jamais de manière gratuite.
Si le film de Denis Villeneuve souffre donc d’évidents défauts plus ou moins majeurs, le souffle qui s’en dégage en fait une expérience cinématographique tout-à-fait particulière qui ne peut que se goûter sur l’écran le plus grand qui soit. Véritable lettre d’amour au cinéma, Dune n’a aucune peine à s’imposer comme un film majeur pour le septième art.
Quant à savoir si Dune pourra s’imposer à l’avenir comme une saga culte de la science-fiction sur grand écran, les éléments dont nous disposons avec ce premier volet ne peuvent nous permettre de le déterminer. On attend la deuxième partie avec d’autant plus d’avidité et d’impatience…

Tonto
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le 29 sept. 2021

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