Dune est sans conteste la tache dans la filmographie de David Lynch.
En plongeant sans hésitation dans l'esthétique des années 80, le réalisateur s'affronte à ses risques et périls au pire.
Tentant un condensé des pavés de Frank Herbert, le film se perd en une accumulation de sous-intrigues à peine traitées et une débauche de "drop-namming" tous plus alambiqués les uns que les autres (ce qui fait qu'on n'en retient aucun) qui perd petit à petit le spectateur, le tout dans un univers qui tente une collision de styles et d'époques opposés (du baroque au retro-futurisme en passant par un mysticisme antique).
On n'évitera pas le ridicule ; des interprétations plutôt médiocres (excepté Kyle MacLachlan qui s'en sort bien Paul Muad'Dib), des effets numériques d'emblée vieillis, des séquences grotesques qui sont autant navrantes que risibles (Sting, méchant en slip, il fallait oser !).
Dune semble d'entrée de jeu avouer son échec de n'avoir pu adapter à l'écran l'univers complexe d'un livre culte, et jouer cependant la carte du tout pour le tout.
Mais le film n'est pour autant pas le nanar ridicule qu'il aurait pu être et qu'on aime à rappeler.
En s'attaquant au genre si casse-gueule du space opéra, Lynch y voit l'occasion d'appliquer son style onirique et d'explorer tout un champ d'images et de visions superposées expérimentales assez sublimes (les vers géants sont d'une grande beauté). Il renoue même à certains moments avec la beauté de son Elephant Man et va même lorgner du côté du trip halluciné de 2001, appliquant également à ce récit (trop) dense ses obsessions, qui rappellent parfois David Cronenberg dans sa pensée de l'Homme mécanique, dont le corps torturé et boursouflé ne fait plus qu'un avec la machine (certains passages chez le peuple Harkonnen sont particulièrement sales, dignes des expérimentations de John Carpenter).
Ce qui sauve le film c'est plus globalement, lorsqu'il ne sombre pas dans le divertissement et le grand spectacle absurde (la chevauchée des vers lors de la bataille finale...), que Lynch fait de ce space opéra grandiloquent un spectacle intime et livre sa vision toute personnelle de la Science-Fiction ; grâce à un sound-design envoutant et un travail sur les voix-off télépathiques (un temps remarquable, un temps agaçant, se contentant à un commentaire permanent de ce que l'on voit), Dune prend l'aspect d'un drame mystérieux et susurré.
On retiendra même, et c'est surprenant, la bande-originale de Toto qui, là encore, lorsqu'elle ne s'adonne pas à ses penchants rock FM aux guitares nasillardes, impose une ambiance mystique et minimaliste, bien aidé par les frères Eno et Daniel Lanois.