Le "It begins" sous le titre du film, puis plus tard remplacé par "Part One", replace Dune de Denis Villeneuve comme l'adaptation de la première moitié du premier livre. Les éditions du livre sont d'ailleurs souvent découpées en deux tomes (le livre date tout de même des années 60/70) et Denis Villeneuve fait de même pour son adaptation. Le début du film est très dense, ce qui représente bien ce que j'avais ressenti à ma première et unique lecture du bouquin, dont le début est difficile d'accès pour un lecteur lambda (moi y compris). Le film ne prend pas le spectateur par la main pour tout expliquer de A à Z. Et le fait que beaucoup de personnes ayant vu le film l'ont aimé, malgré une narration qui pourrait paraître indigeste, montre bien qu'il n'est pas nécessaire de prendre le spectateur pour un imbécile, pour qu'il apprécie et comprenne son univers.
Le côté austère de Dune, ça a été une de mes plus grosses difficultés quand j'ai découvert les romans de Franck Herbert, même si le choc était surtout dans le premier tome (le tome 2 m'est littéralement tombé des mains). On pourrait expliquer un milliard de petites choses qui dans livre sont essentielles pour la compréhension de son univers ... mais non, débrouillez-vous ! C'est une des causes majeures de ma frustration avec cette œuvre. C'est dense de chez dense et le film ne montre qu'un quart de la complexité du livre. Et n'oublions pas que pour 50% du livre, ce sont essentiellement les réflexions et les pensées des protagonistes. C'est par définition ce qu'il y a de plus difficile à adapter et deux solutions s'offrent alors à vous, soit vous utilisez une voix off comme Ridley Scott avec Blade Runner (et qui sera fort heureusement supprimée dans la director's cut de 1992), soit vous surexpliquez l'univers comme Christopher Nolan avec Tenet, pour s'assurer que tout le monde a compris. Dans Dune, Denis Villeneuve fait le choix judicieux de tout faire passer par les expressions des acteurs, pour appuyer simplement les émotions.
Et si l'adaptation de Dune est une (presque) totale réussite, c'est parce que le livre lui aussi cherche à vous projeter "tête la première" dans un univers très complexe, sans jamais rien souligner à gros traits. On doit faire face à un univers gigantesque et intimidant, mais plus le film avance, plus les éléments se mettent en place et plus on crée du lien dans tout ça. On grandit avec le film et avec Paul, c'est vraiment une expérience d'apprentissage. Dans ce monde à la densité incommensurable, c'est notre lien au genre humain et donc aux personnages principaux qui nous permet de garder un lien fort envers l'intrigue ... et c'est là, je trouve, que le film pêche un peu en étant toujours dans le même registre d'une réalisation froide et distante, une marque de fabrique de Denis Villeneuve. Alors parfois ça fonctionne très bien, mais des fois ça génère une certaine distance avec les personnages.
Pour ce qui est de l'esthétique de Dune, Denis Villeneuve nous a fait son Lawrence d'Arabie dans l'espace. Je suis resté littéralement bouche bée devant la beauté des images, du sous-texte philosophique, de la bande son et de la justesse du montage, fidèle au cinéma grandiose de Denis Villeneuve. On est littéralement transporté sur la planète d'Arakis, la mise en scène est grandiose. On ressent tellement bien l'immensité de la planète Dune et tous les effets spéciaux nous font croire que cet univers est réel, tout est parfaitement crédible. C'est assez contemplatif, mais tout de même bien rythmé et intéressant. On ressent bien l'ambiance, le contexte et les enjeux de Dune. Et puis coup de cœur pour le design des fameux ornithoptères, sortes d’avions hélicoptères libellules, tellement classieux ! Et que dire du ver des sables, incroyable de gigantisme et qui en impose tellement !
La dernière fois que j’ai vécu un tel voyage, une telle épopée, une telle atmosphère, ca doit remonter à ... à Blade Runner 2049, en fait ! L’impression première qui en ressort, c’est d’avoir vu un univers de science-fiction dépeint de manière extrêmement crédible, tangible, qui respire la véracité et où tout est plausible. La production design est époustouflante, tout ou presque en décors naturels, ce qui aide beaucoup à l’immersion d'ensemble. Dune c'est une ambiance envoûtante, enivrante, posée. Le cinéma de Denis Villeneuve, c'est du cinéma contemplatif qui aime prendre son temps, qui pose les enjeux, qui développent les personnages ... un cinéma où le temps est en suspension.
Côté distribution, mention spéciale pour Timothée Chalamet qui est juste parfait en Paul Atréides. Tout d'abord jeune homme novice au début du film, il se révèle au fur et à mesure que le film avance et devient réellement charismatique lorsque les évènement l'oblige à prendre les choses en main ! Et que dire de Stellan Skarsgård, qui incarne l’infâme Baron Vladimir Harkonnen, si ce n'est que sa transformation est incroyable ! A chaque apparition à l'écran, on sent que c'est une vraie menace ! Oscar Isaac et Rebecca Ferguson interprètent respectivement le Duc Leto Atréides et Dame Jessica, les parents de Paul. Et si Oscar Isaac est très charismatique, j'émets tout de même des réserves sur la prestation de Rebecca Ferguson, qui ne m'a procuré aucune émotion durant tout le film. Je la trouve extrêmement froide, mais j'imagine que c'est le rôle rôle qui veut ça (et la direction d'acteur de Denis Villeneuve aussi) ! Dommage aussi que l’on ne voit pas plus l’actrice Zendaya dans le rôle de la Fremen Chani, mais c'est pour mieux annoncer son rôle prédominant dans Dune 2.
Bref, qu'on aime ou qu'on aime pas ses œuvres, Denis Villeneuve a réussi l'exploit de faire une vrai proposition artistique (visuelle et sonore) tout en conservant son côté épuré et simple. Comme quoi, parfois le simple a du bon. Ça ne peut pas fonctionner pour toutes les histoires, mais pour Dune c'est vraiment ce qu'il fallait. De plus, le fait que Denis Villeneuve et Hans Zimmer soient depuis l'adolescence deux fans inconditionnels de Dune, apportent "je pense" plus de passion et d'audace dans leur proposition. Visuellement impressionnant, les costumes grandioses, les paysages gigantesque ... on en prend plein les yeux (et les oreilles aussi). Mais ce qui déçoit une peu, c’est le léger manque d’émotions et le cut de fin qui arrive un peu trop soudainement, nous laissant une impression de film inachevé. C'est d'ailleurs pour ces deux raisons que, malgré la qualité époustouflante des images et l'ampleur du projet, je continue à lui préférer "Premier contact", qui est bien meilleur sur ces deux points.