Le premier Dune – celui Denis Villeneuve sortira à la fin de l’année – est une œuvre baroque, mutilée et inachevée. En fan de Franck Herbert, je me souviens m’être précipité à sa sortie et avoir été déçu.
Univers d’une richesse inégalée, Dune est la grande œuvre d’un romancier passablement hermétique. Après une guerre de libération, l’humanité a proscrit toute forme d’intelligence artificielle. Le monde s’articule autour d’un empereur et d’une aristocratie féodale. En l’absence d’ordinateur, des humains augmentés réfléchissent, assassinent, guerroient, pilotent les vaisseaux spatiaux, prient ou complotent. Les pouvoirs des plus puissants sont liés à l’absorption de l’« épice », une drogue originaire d’Arrakis. Or, l’empereur retire Arrakis aux Harkonnen pour la confier aux Atréides. Le piège est en place.
Rappelons le contexte, David Lynch a signé pour trois films. Il livre un premier opus de quatre heures, que des producteurs mesquins amputent de la moitié. Si le long métrage est bancal et incompréhensible, difficile d’en vouloir au réalisateur, car les sous intrigues trouvaient leur résolution dans les films suivants.
La mise en place est habile et le scénario tortueux à souhait. Les vers sont magnifiques et le sable omniprésent. Très réussis, les décors et les machines feront le bonheur de jeux vidéo. Les acteurs sont bien dirigés, même si les seconds rôles sont sous-exploités.
Avouons que les points faibles se bousculent. Malgré un budget conséquent, les effets spéciaux sont dignes des péplums des années 1950, un festival de carton-pâte et d’incrustation d’explosions. Le charcutage du montage a nécessité le recours à une irritante voix off. Engoncés dans d’affligeantes armures plastifiées, les redoutables Sardaukars sont grotesques. Dignes de San Ku Kaï, les scènes de guerre sont ridicules : les méchants courent de droite à gauche, puis de gauche à droite. Enfin, l’opposition Harkonnen/Atréides est outrancièrement manichéenne, Herbert ne méritait pas cela. Seul Sting tire son épingle du jeu, que ce soit en slip ou en tenue de combat, il conserve une grâce aérienne. Plus grave, la fin confine au révisionnisme. Paul lance ses légions sur l’univers pour apporter la paix et la prospérité. C’est un contresens absolu, le Muad’dib initial était épouvanté par ses visions de destructions.
Malgré tout, Dune mérite son statut de petit film culte régressif et malchanceux. Je l’aime bien. Objectivement, c’est comme aimer Cosmos 1999 ou San Ku Kaï — que je cite étonnamment pour la seconde fois — cela ne n’explique pas.