Au moment d'entrer dans la salle pour voir cette partie II et de me mettre en condition, deux images me revinrent de l'opus précédent.
La pierre et le sable.
D'abord la pierre et son aspect minéral. Quel plaisir d'avoir trouvé il y a deux ans un film cherchant la noblesse dans la force des textures.
Lignes brutes, lumières tranchantes, ouvrages et hommes figés dans l'espace comme dans le temps.
Dune : partie I avait su s'exprimer au travers de la plus noble voie qui soit au cinéma – les reliefs, les espaces, les mesures – et ça m'a indéniablement parlé.
Ça m'a indéniablement réconcilié avec Denis Villeneuve qui était, je trouve pour le coup, vraiment l'homme de la situation.
Mais il y avait le sable aussi.
Tout ça était sec, parfois clinique. Certes cela collait bien à ce monde des grandes maisons totalement hors-sol, mais d'un autre c'était totalement impuissant à faire scintiller l'épice.
Comme un symbole, me revenait régulièrement à l'esprit (même plusieurs mois après l'avoir vu) cet enlisement final. Une bataille aride comme le désert, et une conclusion qui ne cessait de s'embourber à ne pas vouloir aboutir.
La fin de cette partie I semblait déjà annoncer la fin du mirage. Le retour à cette réalité très villeneuvienne en ce qui me concerne : le talent à bâtir un monde, mais une impuissance à le mettre en branle. À lui donner vie.
Si je rappelle tout ça en préambule, c'est bien évidemment parce qu'il y a eu dans cette partie II de quoi à la fois contredire cette prophétie pour ma plus grande joie, mais aussi de quoi confirmer mes quelques craintes, parfois avec les larmes de celui qui a le malheur de garder les yeux naïvement grand ouverts face au vent sableux.
Me concernant, face à ces 2h45 de partie II, ça a d'abord été l'extase.
Villeneuve rappelle tout de suite à ses forces comme un acte d'autorité.
Photographie superbe. Moments de silence et de suspension. Structures en lévitation, soldats en apesanteur et sorcières en transe. Le film parle sans parler. Il montre sans causer. Il navigue entre métronomie démiurgique et compositions mystiques.
Le pied.
Et puis le film avance...
L'intrigue reprend ses droits et, petit à petit, on est rappelé à un ensemble plus classique : l'Empire du Mal, le peuple du Bien et, pour animer tout ça, une prophétie écrite comme sur du papier à musique.
Le spectre de La guerre des étoiles flotte sur cette partie II comme un fantôme inattendu que, pour ma part, je ne m'attendais pas à voir invoqué.
Alors certes, jamais le film ne part à la faute. Tout enlisement est évité grâce à quelques pas habilement dansés et cadencés sur le sable. Aux phases d'exposition et d'approfondissement des enjeux répondent régulièrement des phases d'action proprement menées.
Mais l'alternance a beau être orchestrée de main de maître qu'à force elle lasse, et surtout elle peine au bout du compte à combler ce qui a toujours manqué dans les œuvres de Villeneuve : un propos.
Alors certes, je n'ai jamais lu Frank Herbert et je reproche peut-être au cinéaste ce qui relève de l'œuvre du romancier, mais je reconnais trop là un trait saillant de l'auteur canadien pour ne pas y voir une nouvelle illustration de l'un de ses péchés peu mignons.
Surtout que ce n'est pas faute d'avoir su poser d'emblée des thématiques passionnantes : fanatismes, jeux de pouvoir, fausses révolutions, paradoxe à suivre un guide dans l'espoir de se libérer des maîtres...
...Quand bien même le film parvient-il à tenir le cap d'une certaine ambivalence bienvenue concernant les réelles motivations de son protagoniste principal que ça ne l'empêche malgré tout pas de céder à de tristes facilités discursives. D'un côté on répète plus qu'on ne creuse les thématiques posées. De l'autre on cherche à remplir les vides avec des facilités tristement grossières.
En un seul plan d'une armée harkonnen marchant au pas, on sombre brusquement dans la plus consternante des reductio as hitlerum, ce qui – loin d'apporter à cet ouvrage un support discursif en granit – ne fait au contraire que révéler à quel point Villeneuve construit tout son édifice sur du sable.
Mais bon, seulement voilà, cette partie II sauve néanmoins l'essentiel par son final qui raccorde l'ensemble à ses forces fondamentales. Sachant jouer son rôle d'épisode médian sans sombrer dans celui de la vaine parenthèse, cette partie II boucle convenablement la boucle, quand bien surprend-elle parfois par ses ellipses un brin abruptes, surtout au regard des quelques longueurs observées auparavant.
Mais ne nous y trompons point pour autant : entre cimes et ensablement, cette partie II de Dune a su suivre le sillon tracé par la partie I. Cela fait plaisir de revoir du talent et de la maîtrise se mettre au service des plus grandes fresques.
Pour ma part je ne bouderai donc pas ma joie,
et j'attendrai d'un pied ferme (mais caressant), la future partie III.