A Christopher Nolan, on devait déjà d’avoir dépoussiéré le film de super-héros, avec Batman Begins (et plus encore, avec sa remarquable suite, The Dark Knight, en 2008 ), d’être à l’origine d’un des meilleurs films de SF de tous les temps avec Interstellar en 2014, on ne pouvait donc qu’être enthousiaste à l’idée de le voir travailler sur un film de guerre, « genre » dans lequel les productions semblent se faire de plus en plus rare alors que le thème, lui, devrait rester une source d’inspiration inépuisable.
Dunkerque retrace donc quelques jours essentiels de la seconde guerre mondiale : nous sommes fin mai 1940, les forces britanniques et françaises sont en pleine déroute face à la Blitzkrieg menée par l’armée allemande. Devant l'étendue de la catastrophe, les insulaires décident une retraite vers l’Angleterre, estimant probablement la France déjà perdue. Mais avec plus de 400 000 hommes à évacuer depuis Dunkerque et une pression de l’ennemi particulièrement importante, l’enjeu devient vite clair : mobiliser un maximum de transports en très peu de temps pour évacuer le plus de soldats possible (Churchill en espérait au moins 30 000). Et pour cela, il faudra tenir Dunkerque suffisamment longtemps et résister aux coups de boutoir des forces nazies. Nom de l’opération : Dynamo.
Le thème de la seconde guerre mondiale est tellement vaste et riche que lorsqu'on décide de s'y pencher, il est impératif de savoir cadrer son sujet. Nolan l'a bien compris, et c'est là une des grandes forces de son film: ne pas partir dans tous les sens et s'en tenir à la bataille de Dunkerque. En dépit de la tentation d'élargir le cadre -ne serait-ce que brièvement, pour contextualiser les événements- le réalisateur préférera rester focalisé sur les manœuvres d'exfiltration uniquement, de manière à demeurer le plus fidèle à ce qu'on pu vivre les protagonistes de l'époque, qui subissent alors les événements en étant dans le flou le plus complet quant à la situation et à ce qui se trame aux portes de la ville et dans la région.
Certains pourront regretter l'absence de véritable personnage principal, de "héros" auquel s'identifier. En effet, Nolan a fait le choix de suivre, à parts égales, des "anonymes" tel qu'un jeune soldat, un officier de la Navy, un pilote de la Royal Air Force ou encore un civil, parti avec son fils à bord de son bateau de plaisance, aider ses concitoyens en détresse. Tous, à leur échelle, sont les véritables héros du film, à l'instar des milliers d'inconnus qui ont vécu ces événements. La plupart, malgré la peur, la faim, la fatigue, auront œuvré pour sortir de cet enfer et permettre -sans le savoir à ce moment là- un premier pas vers la contre attaque, puis la victoire.
Néanmoins, en temps de guerre, les actes de courage en côtoient d'autres, moins glorieux, que l'Histoire tentera d'oublier, mais que le réalisateur n'élude pas pour autant (l'individualisme, le racisme, les désertions...)...
Nolan parvient à capter l'importance des événements tout en gardant une sobriété dans sa narration et ses dialogues, nous épargnant les excès de nationalisme, les discours mégalo et autres moments de bravoure dont Hollywood aime tant nous abreuver.
D'une manière générale, le réalisateur britannique maintient un bel équilibre entre le froid réalisme de la mise en scène et la chaleur de ses personnages. Une mise en scène tout à fait remarquable, avec de nombreux plans fantastiques et qui pourtant, n'en fait jamais trop, ne sombre jamais dans l'entertainment exacerbé.
Les musiques du fidèle Hans Zimmer, elles aussi, restent discrètes, comme pour livrer les images brutes et permettre au spectateur de mieux saisir la dureté des événements. Des musiques qui se feront plus présentes à la toute fin du film. Une fin magnifique et poignante, tout en sobriété, mais dont le discours plein d'espoir, saisit toute l'importance du succès de l'opération Dynamo.
Comme souvent, Nolan n'en oublie pas la dimension "récréative" de son œuvre. Spectaculaire, elle l'est assurément, à l'image des raides de l'aviation allemande, qui vient littéralement harceler les soldats en attente sur la plage et les navires chargés de les évacuer. Le sentiment que "la mort vient d'en haut" est palpable, tout comme celui d'avoir affaire à un ennemi quasi invisible (on ne verra pour ainsi dire, aucun soldat nazi dans le film) et pourtant implacable.
Certains reprocheront à Dunkerque d'éluder certains faits historiques, comme le rôle déterminant des soldats français, qui ont tenu la ville pendant plus d'une semaine, le temps d'évacuer 338 000 hommes. S'il est vrai que le film se focalise essentiellement sur le processus d'évacuation, et peu sur ce qui l'entoure, nous n'irons pas jusqu'à y voir une manœuvre délibérée du réalisateur de minimiser le rôle des forces locales dans le succès de l'opération. En "dérivant" sur les combats en ville et aux alentours, il aurait fallu doubler la durée du film.
Si toute oeuvre se voulant "historique" pourra toujours être, d'une manière ou d'une autre, critiquée, voire jugée partisane, Dunkerque semble pourtant autant fidèle que possible aux événements qu'elle relate.
Christopher Nolan nous offre donc un très bel hommage, non seulement au film de guerre, mais aussi à ce moment charnière du second conflit mondial, trop rarement abordé au cinéma.
Churchill disait, à la suite des événements, que "les guerres ne se gagnent pas avec des évacuations", mais celle de Dunkerque aura pourtant été cruciale quant à la suite -et probablement à l'issue- du conflit.
Cela méritait bien que le cinéma, si longtemps après, vienne nous le rappeler, et pour le coup, de la plus belle des manières.