«Dunkerque» stimule notre angoisse et nos peurs dans ce récit nous plongeant sur les plages normandes durant la première guerre mondiale. Nous sommes ainsi plongés dès les premiers instants dans l'horreur de la guerre et vivons avec les soldats la peur de ne pas survivre : l'immersion est totale et intense.
On ressent à chaque instant la menace qui pèse sur les soldats. Elle peut surgir de n'importe où et de n'importe quelle manière. La menace oppresse les protagonistes. Tout le temps. On le lit sur leurs visages. La peur. La peur de ne pas survivre. La peur de ne plus avoir le temps d'être évacués. Juste la peur. Et c'est ça que j'apprécie particulièrement dans le cinéma de Nolan : il montre plus qu'il ne dit et on vit l'expérience avec les personnages de son histoire. C'est réaliste, difficile et parfois même éprouvant. Il est difficile pour les soldats de placer des mots sur l'horreur qu'ils vivent et c'est ainsi qu'ils restent silencieux, comme nous le sommes en regardant les images défiler devant nos yeux, happés par ce qui se déroule devant nous.
La sensation omniprésente de peur est accentuée par la fantastique bande originale de Hans Zimmer et au rythme qu'il insuffle au film, notamment avec l'utilisation du tic-tac de la montre, qui ne cesse de faire augmenter la pression et qui menace d'exploser à tout instant. C'est une course contre-la-montre pour la survie, le danger de mort est imminent et la bande originale ne cesse de nous rappeler les enjeux : sauver le maximum de soldats possible.
Retour sur une des scènes les plus marquantes du film : la scène où l'horreur de la guerre est à son comble, où la bande originale discrète ne fera que renforcer l'appréhension ressentie par les soldats lorsque l'on voit pour la première fois la mort arriver par les airs, lorsque l'avion bombarde la plage de mines. La caméra s'oriente vers le ciel langoureusement et l'on voit douloureusement le ciel s'abattre sur la tête de Tommy (merveilleux Fionn Whitehead), les réacteurs deviennent de plus en plus bruyants, nous sommes broyés par le bruit et par le sort qui attend les soldats sur la plage, sort déjà connu par les spectateurs, ces derniers se demandant seulement combien survivront. Pas qui survivra, mais combien survivront. Voilà où la guerre se révèle infâme : la déshumanisation des hommes en fait encore preuve. Les hommes n'existent plus à l'état d'être humain mais ne forme qu'un seul groupe : l'Homme. La tension est à son comble, le stress suffocant. Et l'Homme se relève pour constater les dégâts de l'humanité sur elle-même : un constat mêlant désespoir et nonchalance.
Concernant la photographie et la réalisation, le plaisir qu'il nous procure est immensément fascinant, comme l'on a l'habitude avec les films de Nolan. C'est somptueusement filmé, au point où la photographie pourrait compter dans le top 10 des plus belles photographies au cinéma. Les mouvements sont fluides et les scènes d'aviation nous vendent du rêve. La caméra projette le spectateur dans l'horreur sale de la guerre, encerclés par les bombardements, les gaz meurtriers et les mines explosives, ainsi qu'une pléiade de munitions qui nous assaillent.
Le montage est, on ne va pas se mentir, l'une des plus grandes qualités du film. La déclinaison entre trois milieux où évoluent chaque soldat et sur trois laps de temps différents est une brillante idée, ainsi l'on vit trois instants dans lesquels les soldats anglais étaient piégés, encerclés et tiraillés entre la vie et la mort qui les attendait. On vit complètement à la première personne l'opération Dynamo et on espère que l'évacuation titanesque des trente mille soldats soit un succès.
Le seul choix que l'on peut remettre en question c'est le manque de présence de l'armée française dans le film. Il est vrai que l'on aurait pu voir plus d'implication des soldats français, mais il n'a pas cette envergure. Cependant, le but du film était de raconter l'évacuation des soldats anglais des plages normandes, «Dunkerque» se concentre sur ce récit et le raconte d'une admirable manière, alors ce n'est pas vraiment un reproche que l'on peut faire au film, mais cela peut provoquer de la frustration. Mais le parti-pris du réalisateur était de ne montrer quasiment jamais l'ennemi de face, de ne pas le pointer jamais du doigt, et donc cette potentielle frustration en devient finalement un des points positifs du film en se démarquant des autres films sur la guerre.
«Dunkerque» est un film qui a marqué l'année cinématographique de 2017. C'est une nouvelle réussite à tous points de vues de son réalisateur, qui réitère le fait qu'il fait parti des Grands, et ne fait qu'accentuer l'envie de visionner son prochain film, «Tenet», qui sortira dans le courant 2020.
20/20