Nouvelle étape dans la carrière de Christopher Nolan, Dunkirk s'inscrit à la fois dans une continuité de fond et une rupture sur la forme. Il est probable que ce nouveau film déstabilise tant le style évoque davantage l'expérimental que la fresque guerrière. Le long-métrage n'est pas l'exposé d'une page de la Seconde Guerre mondiale sur 3 heures comme on aurait pu l'imaginer, mais l'expérience d'une opération désespérée sur 1h47. C'est court, surtout de la part d'un metteur en scène dont les derniers films tutoient les 2h30.
Pourtant, dès les premières minutes, le ton est donné: trois lieux (la plage, la mer et le ciel), trois angles d'attaque, une lutte pour s'enfuir. S'échapper pour survivre, ou survivre pour s'échapper. Le résultat de l'opération Dynamo conservera une part d'ambigüité (Victoire? Défaite?), elle s'inscrit donc naturellement dans la carrière de C.Nolan. On peut également retrouver cet obsédant rapport au temps, qu'il étire et divise pour mieux raconter. Mais cette fois, seule l'immersion importe.
Les dialogues seront limités, les personnages réduits à leurs actes et leurs regards. Le style vise l'épure extrême, en résulte une tension inouïe étendue sur 107 minutes. D'un point de vue formel, Dunkirk est un vrai tour de force. Le travail sur l'image et le son est proprement hallucinant. Le sens du montage, les acteurs intenses, les retentissements de coups de feu, bombes ou de chasseurs, la bande originale assourdissante de Hans Zimmer. Absolument tout participe à maintenir un sentiment de danger permanent.
Les dernières minutes sont peut être trop classiques en comparaison de la maestria qui a tenu le film jusque là, et le parti pris de Nolan a ses limites (peu de personnages à retenir au final). Mais bon sang, des films aussi immersifs et audacieux (surtout pour une grosse production) ne sont pas monnaie courante. Dunkirk divisera sans doute, mais on ne pourra pas lui reprocher d'avoir sa propre voix. Dunkirk n'est pas un film sur une victoire ou une défaite. C'est simplement l'expérience sensorielle d'un combat contre la mort, d'une débâcle à l'arrière-goût de victoire. C'en est une grande pour Nolan.