La productrice Emma Thomas s'intéresse à l'opération Dynamo en lisant un livre de témoignages sur Dunkerque. L’opération Dynamo fut à la fois une victoire et une défaite et c’est cette contradiction qui rend le sujet passionnant.
La bataille, rappelons-le, opposa le Reich aux Alliés entre fin mai et début juin 1940. L’opération Dynamo correspond, précisément, à l’évacuation par la mer de milliers de soldats alliés. Au Royaume-Uni, l’épisode est resté célèbre, car des bateaux de plaisance ont participé au sauvetage. Le discours d’accompagnement aussi bien de la part du réalisateur que du conseiller historique insiste sur l’authenticité de la représentation de l’événement. Ainsi, c’est moins l’aspect ludique ou spectaculaire qui est mis en avant que sa prétendu fidélité au passé.
Christopher Nolan, époux de Emma Thomas, va écrire et réaliser l’adaptation de l’opération Dynamo. De plus, étant anglais, il voulait faire un film britannique avec un budget américain depuis bien longtemps.
Avant le tournage, Christopher Nolan va demander conseil à Steven Spielberg, qui lui dira de laisser son imagination de côté, comme il l’avait fait pour Saving Private Ryan, et de mettre en avant les recherches qu'il va effectuer pour rendre authentique ce drame historique.
La principale complexité du film concerne le travail de Christopher Nolan sur l’espace et le temps. C’est le cas dans quasiment tous ses films, mais là ce n’est pas sur-expliqué, ce n’est pas surligné. C’est subtil et dans une certaine mesure secondaire.
Dunkirk sort en 2017.
Ainsi, les scènes ayant lieues sur les plages et sur la jetée correspondent à une durée temporelle d’une semaine, celles sur la mer avec la flottille civile d’évacuation durent une journée, et celles dans les cieux avec les avions durent une heure. C’est la structure du film: « One week, one day, one hour ». Il faudrait intérioriser cette règle pour pleinement savourer et comprendre le film, car les scènes présentées dans l’ordre du montage diffèrent alors du véritable ordre chronologique de l’action dans le film. Toutefois, grâce à un montage aux petits oignons, l’enchainement se fait de façon fluide, et les scènes, parfois revues plusieurs fois sous des angles différents, n’apportent malgré tout aucune redondance. Le film sera d’ailleurs récompensé de l’Oscar du meilleur montage (et deux autres Oscar, mais j’y reviens plus tard).
Sur terre, Fionn Whitehead en soldat anglais essayera de fuir a tout prix l’avancée allemande, il trouvera de l’aide chez Aneurin Barnard, un fuyard français. Ils tenteront le tout pour le tout et auront, malheureusement, Harry Styles en soldat écossais dans les pattes.
Dans les airs, Tom Hardy incarne un pilote anglais imperturbable dans sa mission.
Et enfin, en mer, Mark Rylance, Tom Glynn-Carney et Barry Keoghan incarnent des patriotes anglais parti pour le sauvetage. Ils repêcheront un Cillian Murphy complément martyrisé par ce qu’il vient de vivres sur les plages de France.
Ne développant aucun personnage, le film place ses figures au même rang, à l’instant présent, et qui se révèlent au travers de leurs actions individuelles, liant tous ces destins : une manœuvre d’urgence en bateau, l’ouverture d’une écoutille pour sauver des camarades de la noyade, la décision héroïque de prendre en chasse un maximum d’appareils ennemis au péril de sa propre vie. Des comédiens débutant au cinéma comme Fionn Whitehead ou Harry Styles aux acteurs confirmés tels que Tom Hardy ou Mark Rylance, Christopher Nolan obtient le meilleur de son casting charismatique, détenteur du vecteur émotionnel. L’immersion conjuguée à l’intensité incroyable font du film une œuvre unique, célébrant l’acte de survie comme une victoire future, une victoire pour l’Histoire au cours alors incertain.
Les images sont magnifiques, je trouve ça trop beau pour être vrai. Je suis persuadé que l'eau n'était pas aussi clair, que la plage n'était pas aussi propre, que les soldats n'était pas tous aussi bien portant. Il manque selon moi une notion de réalisme qu'avait Saving Private Ryan par exemple. Il faut quand même préciser que c’est un parti pris de Christopher Nolan.
Par ailleurs, si visuellement, le film est au top, l’ambiance sonore aide également beaucoup à nous offrir un rendu exceptionnel. Alternant les moments au calme trompeur et relatif avec des scènes intenses à l’action latente et oppressante, la bande-son joue avec les nerfs de son spectateur, comme le symbolise parfaitement le « tic-tac » de l’horloge qui retentit durant la totalité du film, souvent en retrait et de façon quasiment imperceptible. C’est une course contre la montre et contre l’avancée allemande, suggérée mais jamais montrée directement afin de renforcer le stress de l’attente. Le procédé fonctionne diablement bien et l’on se retrouve à partager le sort de ces malheureux soldats, se demandant si chaque seconde ne sera pas la dernière. L’attente, toujours l’attente. Longue, imprécise, incertaine.
La partition musicale de Hans Zimmer est omniprésente et nous déclenche un assourdissant compte à rebours pour bien appuyer le caractère terrible et dangereux de la situation. Le film sera récompensé des Oscar du meilleur montage son et du meilleur mixage son.
La caractéristique la plus frappante de ce long-métrage relève de l’écriture et de la mise en scène : en effet, on ne voit jamais l’ennemi ! Même lorsque le personnage joué par Tom Hardy est capturé par les allemands, on ne distingue pas clairement le visage des soldats. Les seules sources de danger sont les avions allemands qui bombardent la plage : on ne voit en revanche jamais un visage, ni le moindre général allemand. L’ennemi est ainsi déshumanisé, c’est une masse menaçante et invisible. Ce choix d’écriture et de mise en scène est assez rare. Pour autant, le spectacle de l’action pure n’est pas délaissé, comme lors de la scène dantesque du naufrage du bateau rempli de soldats britanniques. Malgré les fulgurances de son style, Christopher Nolan a affirmé avoir voulu traiter son sujet de manière terre à terre et réaliste, considérant sa caméra comme étant le spectateur.
Christopher Nolan dédie au montage parallèle qui intrigue un temps mais révèle ses limites à la longue. En dépit de ses qualités, le cinéaste semble coincé dans une boucle dont il lui faudra sortir si il souhaite passer à la vitesse supérieure, quitte à perdre un peu en intensité pour gagner en consistance.