Musique !
Trois ans après s'être aventuré dans les étoiles, Christopher Nolan revient sur le devant de la scène en s'éloignant de ce qu'il avait fait jusqu'alors. Exit la science-fiction et les histoires originales, pour la première fois Nolan s'attaque à une histoire vraie. Pas n'importe laquelle puisque l'opération Dynamo à Dunkerque a été une des plus grandes évacuations. Mais ce n'est pas pour autant que l'on ne reconnaît pas le talent et le style du réalisateur. Les gros plans, notamment, foisonnent pour livrer une immersion totale dans cette épopée de la Seconde Guerre Mondiale. Cette immersion est principalement due au rythme intense du métrage qui, pendant 1h40 (sans compter le générique), ne compte aucun temps mort. Le temps passe à une vitesse folle –comme pour ces soldats pris au piège, entourés d'ennemis aussi bien aériens que terriens- de la scène d'ouverture magistrale à la séquence finale. Le rythme ultra soutenu du métrage permet à Dunkerque d'avoir un souffle et une originalité unique : même si Nolan s'attaque aux faits réels, son métrage n'est pas construit comme un simple film de guerre historique. Le film n'a d'ailleurs pas pour vocation de raconter avec précision les faits ; en effet, tout est construit comme un survival où l'on suit différents protagonistes sans que l'on apprenne à les connaître au préalable. L'absence relative de dialogues montre aussi la volonté du metteur en scène de s'éloigner du genre assez défini maintenant et qui a du mal à se renouveler (même si Tu ne tueras point était visuellement spectaculaire, sa narration était loin d'être originale). Pas étonnant donc que le film de guerre préféré de Nolan soit La Ligne Rouge, qui lui aussi se différenciait expressément du genre.
Dunkerque, c'est avant tout des histoires qui se superposent. Dunkerque, c'est des combats aériens d'une puissance folle et incroyable, mais aussi des séquences terriennes et marines haletantes et prenantes. Le spectateur est appelé à suivre les péripéties des protagonistes comme s'il était là-bas, sur la plage. Le mixage du son est d'ailleurs remarquable, avec une ambiance sonore époustouflante et il n'est pas étonnant, quelques heures après le visionnage, d'entendre encore le bruit horrifique de ces bombes. Il en va de même pour la bande originale de Hans Zimmer qui accompagne le métrage sans un seul moment de répit, le tic-tac omniprésent qui, même s'il délimite la notion de temps –ou d'absence de temps-, s'oppose vigoureusement à la sensation du spectateur plongé dans le film et qui n'a plus aucune notion du temps. Hélas, la BO de Zimmer se révèle assez répétitive et non diversifiée et si elle reste excellente en tant que bande originale d'ambiance, il est dommage de constater un manque de variété dans les thèmes.
Dunkerque n'existerait pas sans ses acteurs, tous remarquables. Dans un film avec très peu de dialogues, entièrement porté sur l'action et sur le suspens, les acteurs doivent être irréprochables -qualité qui sert forcément aussi pour le travail d'immersion-. Là-dessus, c'est un des caractères irrépréhensibles du métrage : que ce soit Cillian Murphy, Tom Hardy ou Harry Styles, chacun est parfait dans son rôle. Mention spéciale à Fion Whitehead, bouleversant et qui porte à lui seul le métrage.
Si Nolan arrive à atteindre un tel niveau d'immersion, c'est en partie grâce au montage du film, qui est un de ses aspects les plus notables. Le metteur en scène sait avec justesse gérer ses histoires afin de les intercaler parfaitement tout en conservant le suspens. C'est réellement grandiose. La structure globale du récit, elle, est plus discutable, notamment dans ce qu'elle tente d'entreprendre. Pas sûr que tous aimeront, mais il n'empêche que cette structure est utile et justifiée, même si quelque peu surprenante.
Christopher Nolan signe son dixième film. Une carrière cinématographie inouïe, un parcours à travers plusieurs genres, mais surtout un apprentissage : Ses films sont des blockbusters, mais ils sont différents des autres, parce que Nolan cherche avant tout l'authenticité et l'immersion. Dunkerque est avant tout une expérience, un thriller impressionnant et viscéral qui est certain de laisser une trace dans les mémoires. Comme Mad Max Fury Road avant lui, Dunkerque se démarque par un rythme haletant, peu de dialogues et une puissance folle. Interstellar m'avait fait pleurer; Dunkerque m'a fait trembler.