Christopher Nolan ne doute de rien. Après son polar amnésique, ses Batman réalistes, son thriller onirique et son apocalypse métaphysique, place à la guerre. Nolan met en scène un épisode majeur, bien qu’oublié, une défaite aux couleurs héroïques, en y insufflant sa propre vision du courage et un jeu temporel.
Anglais et Français sont laminés, le gros des armées reflue sur Dunkerque. Churchill ordonne le rembarquement. Alors que les gros navires sont des proies faciles pour la Luftwaffe, l’amirauté lance 700 navires civils de toutes tailles. Grâce au sacrifice du corps de couverture français, 340 000 soldats alliés échappent à la captivité.
Nolan, c’est l’anti Peter Jackson : ses armées, ses bateaux, ses avions sont réels. Il a écumé les ports et les aérodromes pour fourbir ses armes. Seuls les Stuka et le Heinkel 111, des espèces disparues, sont joués par des modèles réduits. Tout le reste marche, flotte et vole.
Le scénario imbrique trois histoires : un aviateur, un marin et un soldat. Un vol d’une heure, une traversée d’une journée et une attente d’une semaine qui aboutissent à un unique combat aérien que nous vivrons à trois fois reprises, d’abord du ciel, puis du bateau menacé, enfin de la chaloupe de sauvetage.
• Tommy est un soldat défait, sans arme ni copain. L’effet de sidération est parfaitement rendu. Seul sur la plage, paumé, épuisé, assoiffé, affolé, il est repoussé par les unités constituées. Tommy porte la poisse, il suffit qu’il pose le pied sur un navire pour qu’il soit éventré, torpillé ou mitraillé.
• Répondant à l’appel de la Marine, Mr Dawson a tenu à conserver la barre de son bateau. Il vogue vers Dunkerque.
• Collins et son Spitfire protègent le rembarquement. Il tire juste. Ses lents et silencieux combats aériens s’étirent en longueur.
Si l’image est trop nette, trop parfaite, la mer est belle. Les décors contemporains irriteront les puristes, mais Nolan nous rappelle que la guerre est intemporelle. Autant la musique d’Hans Zimmer est froide et insistante, autant la bande son est parfaite. Écoutez le bruit du moteur Merlin, le staccato des mitrailleuses, le grognement étouffé du diesel marin, le chant du ressac, le grincement amer de la tôle froissée et meurtrie, les derniers battements des pales mourantes, les cloisons enfoncées, les chavirages et les naufrages. Tout sonne juste. Je conserve en moi le râle plaintif des bateaux touchés à mort, les efforts désespérés des survivants, les cris des noyés, brûlés, écrasés. La mort sait varier ses effets.
Tout au plus regretterai-je le manque de figurants sur la plage vide. Où sont les millions de débris de l’armée battue. La grève est trop propre. La Manche joue mieux que les soldats mutiques.
La séquence du retour est poignante. Le contraste est violent. La magnifique campagne anglaise est paisible. Les rescapés vaincus redoutent les railleries des civils. Fin politique, Churchill a magnifié le rembarquement. Le muant en victoire, il entend reconstruire au plus vite son armée.
- On a fait que survivre
- C’est bien assez.