Au début des années 2000, Stuart Gordon amorce une nouvelle phase artistique avec 3 œuvres consécutives qui formeront une trilogie d'horreur sociale. À 100 000 lieues des débordements gore qui ont fait sa réputation au début de sa carrière, le cinéaste, qui subit une traversée du désert depuis l'échec public du pourtant très excellent Dagoon, étonne les spectateurs en réalisant King of the Ants, un imparable thriller où l'abomination humaine s'exprime dans toute son horreur. Adaptation d'une pièce de David Mamet, Edmond est le second chapitre de cette trilogie dite "sociale".
Quadragénaire à l'existence très routinière, Edmond voit son univers et ses certitudes voler en milliers de fragments en se confrontant, lors d'une virée nocturne, à une pathétique réalité sociétale où les rapports humains sont littéralement voués au culte de l'apparence et de l'argent...
Incarné par un William H. Macy absolument stupéfiant, Edmond reste une analyse édifiante de notre société néolibérale scénarisée sous forme de violente descente aux enfers. L'atmosphère ultra glauque des peep-shows new-yorkais se mixe alors à la froideur des relations financières entre prostituées et clients (mention spéciale à l'impériale Mena Suvari, parfaite de justesse dans son rôle de péripatéticienne marchandant son corps).
Finalement, et c'est ici le point faible du métrage, Edmond narre tout simplement la nuit d'un homme qui souhaite passer un moment en galante compagnie. Et c'est lors de cette quête éperdue que naît une source de réflexions philosophiques de la part du principal protagoniste qui va forcément finir par péter une durite à l'instar de Michael Douglas dans Chute Libre. New York oblige, le scénariste David Mamet propose également une jonction avec l'univers de Scorsese et sa folie nocturne propre à celle de la Grosse Pomme. Le génial After Hours, réalisé en 1985 par le maestro, apparaît ainsi en filigrane à travers l'étude de personnages interprétés par un luxueux casting (outre Mena Suvari, on y croise Bai Ling, Denise Richards, Julia Stiles, Frances Bay, Jeffrey Combs ou encore Joe Mantegna... excusez du peu).
Pudiquement filmé par un Stuart Gordon passionné par son sujet et ce malgré un budget serré, Edmond reste incontestablement l'une des œuvres maîtresses du cinéaste.