Docteur Timeinstein

Edward aux mains d'argent ! Il s'agit d'un film que j'ai beaucoup entendu parler mais que je n'ai jamais pris le temps de le voir en entier ni de le critiquer. Mais finalement je l'ai vu et j'ai vu un film plus intelligent qu'on m'avait dit.

Tim Burton entre gothique et cartoon

Ce film est vraiment très bien fait en terme de mise en scène et d'imagerie. En terme de mise en scène, on a une abondance de gros plans sur les acteurs afin de cerner les expressions des personnages. Ce qui est bien est aussi l'aspect conte du film. Oui il s'agit du conte d'Edwards, un homme fabriqué tel le monstre de Frankenstein qui possède des ciseaux à la place des mains. Le coté sombre du personnage et de son château est à des années-lumières de l'univers du film. Cet univers est très coloré limite cartoonesque, donc pas assez réaliste. Mais cela va avec l'univers du film qui est en apparence une réinterprétation du mythe de la créature Mary Shelley. Mais le film ne saurait pas sans l'interprétation des personnages.

Edward Vs The World

Edward est joué par Johnny Depp qui n'était pas encore l'acteur incontournable d'aujourd'hui mais la figure de prou du très bon 21 Jump Street (en plus de ses rôles secondaires dans des petits films comme Platoon et ... les Griffes de la Nuit). Ici, il nous offre un aperçu de son talent. Il est absolument crédible en grand Homme en kit maladroit, enfantine et effrayé. Sa candeur le rend très attachant et on ressent de l'empathie pour lui. C'est même l'un des rares personnages à ne pas être unidimensionnel et offre une de ses prestations les plus mémorables (maintenant la liste est longue...)

Les autres personnages sont moins développés mais bien définis.

On a Peg Boggs (Dianne Wiest) la mère qui est l'archétype même de la mère aimante qui veut s'occuper d'Edward. Bon en vrai, je ne pense pas qu'une mère puisse vouloir spontanément s'occuper d'un personnage comme celui-là.

Bill Boggs (Alan Arkin) est un père que je qualifierais de cool. Il n'a pas l'air d'être impliqué mais il est cool.

Kevin Boggs (Robert Oliveri ) est le garçon typique de ce genre de film qui prend Edward pour un genre de frère à montrer.

Et ... Kim Boggs (Winona Ryder) qui est la figure de l'adolescente typique qui est d'abord effrayé par Edward mais qui va finir par ouvrir son coeur et le sauvera de la menace des habitants de la ville.

Ensuite il y a des tas de personnages fonctions dont les plus représentatifs sont Joyce Monroe (Kathy Baker), Esmeralda (O-Lan Jones) et Jim (Anthony Michael Hall), Joyce étant la folle dingue rousse, Esmeralda, l'oiseau de mauvaise augure et Jim le petit ami à la Gaston de la Belle et La Bête (oui tout est dit).

Bon dit comme ça, les personnages n'ont pas l'air d'être intéressants. Mais en faite c'est tout l'inverse. On va y revenir.

Pas qu'une simple réinvention d'un mythe

L'histoire est grosso modo une réactualisation du mythe du monstre de Frankenstein (oui je le répète sans fois dans ma critique), mais aussi parle au premier degré du droit à la différence, de l'amour à travers les apparences etc etc. Oui il s'agit d'un thème usité plusieurs fois et qu'à l'heure actuelle, peut importe la qualité du film et du style de narration bien fait (on a une montée en puissance de la perception du monde au travers le regard d'Edward et vers la fin de Kim) parait ringard. Et bien pas du tout. L'ensemble est tout aussi efficace malgré l'aspect cliché et caricatural. Wikipedia indique que c'est le film qui associe définitivement Burton au mouvement gothique. Ce qui est faux si on en croit l'esthétisme de l'ensemble. Je trouve que ses précédents films et succès Batman et Bettlejuice sont plus gothiques alors qu'ici, le tout est limité à Edward et à sa maison (d'autant plus que je pense que des films comme Sleepy Hollow sont encore plus gothiques que ce film). Cela dit, en le voyant, j'ai l'impression que peu de personnes n'ont remarqué son vrai sens de lecture. En effet, je vois en ce film une mise en abîme de Burton Lui-même.

Cela se voit d'abord à l'allure de Edward. Il a grosso-modo la même tête de Burton. Ensuite par ses aventures. Bien plus que l'acceptation, on parle d'une personne étrange qui se fait accepter assez rapidement par la communauté et qui utilise ses artifices pour faire des œuvres d'arts; exactement comme Burton utilise ses talents étranges pour faire des films qui seront des films cultes (Pee Wee-Bettlejuice , Batman et après Batman le Défi, Mars Attack, Ed Wood, Sleepy Hollow) ensuite il les utilise pour coiffer et toiletter, comme Burton qui adore transformer ses acteurs fétiches (je pense d'abord à Johnny Depp, mais aussi Michael Keaton, Lisa Marie sa première épouse et Helena Bonham Carter sa femme actuelle), le faite qu'il a été rejeté au moindre faux - pas (bon la c'est plus à valeur prophétique car à l'époque il était au sommet, mais depuis il a eu des échecs comme Mars Attack, la Planète des Singes et des succès mitigés comme Alice au Pays des Merveilles et Dark Shadow) et qu'au final il vivra de son art (ce qui est plus ou moins le cas, dans la mesure où depuis la Planète des Singes, il essaye d'éviter les films de commandes). Même la relation entre Edward et son créateur (joué par Vincent Price) et un miroir de sa relation de respect qu'il avait avec le même Vincent Price dont il est l’idole et aussi de ses maître à penser que sont Edgar Allan Poe et Ed Wood (dont il réalisera l'autobiographie quelques temps plus tard). Cela donne un sens plus profond que ce que le film laisse entendre et que l'aspect cliché et sans nuance était volontaire de sa part (les gens qu'Edward rencontre sont une métaphore du public et des critiques qui l'accepte parce qu'il est presque une attraction et le rejette au moindre faux-pas). L'autre interprétation qu'on peut en faire est un peu une mise en abîme de sa propre enfance, un peu comme son premier court métrage Frankenweenee.La seule chose que je pourrais reprocher au film est le rythme trop accéléré de la narration. La progression de l'histoire est un peu trop rapide et on aurait aimé que le film se pose par moment.

Super film culte

Ce film est un très bon film, enchanteur, bien raconté et prenant. Il n'a pas trop pris de rides et on peut l'apprécier encore aujourd'hui. Burton a su nous émerveiller et même si de nos jours, on est encore au stade où lui et son public ont grandi, je suis assez confiant pour son avenir.

Version fun de ma critique ici