LE chef-d'oeuvre de Tim Burton ! Edward aux mains d'argent dépassant selon moi ses autres productions par l'infinie poésie qui s'en dégage...
Des pavillons multicolores, un ciel bleu azur complétant cet arc-hors-ciel fluorescent, et des habitants aux tenues tout aussi chatoyantes, nous offrent d'emblée la vision surréaliste d'une Amérique uniformisée, conformiste des apparences, avec ses commères ennuyées, sa fanatique manichéenne et ses heures de pointe à la seconde près.
Mais un château sombre et en apparence inhabité domine ce lotissement, seulement séparés d'un grand portail...
Et c'est un humanoïde arborant des ciseaux pour doigts que l'on découvre seul comme un homme au détour du démarchage désespéré de ce château... Il ressemble d'ailleurs plus à un petit animal perdu qu'à autre chose. Et on apprendra par la suite qu'il ne fut pas éduqué, mais seulement instruit par les livres que son créateur lui lisait jadis, sans le moindre partage émotif - au point d'ailleurs de le "quitter" suite à l'émotion trop forte de voir un jour son "fils" sourire sincèrement.
Plus tard, on découvrira aussi que si Edward est un être gentil, timide, naïf, fragile, et dépressif, il sera également capable de vengeance comme n'importe qui d'autre, histoire de bien nous faire comprendre que l'exclusion et l'injustice engendrent même la colère et la haine des plus "purs"...
Aussi, la créativité d'Edward - à l'image de son talent pour l'utilisation de ses ciseaux hier exercé dans le jardin de son château - fera germer en nous l'idée que la solitude et la différence ont tendance à générer des artistes (leur sentiment tout du moins)... Dans ce monde de mains, Edward se servira de sa différence comme arme de créativité massive, cisaillant pour le bonheur de tous les branches des arbres, le poil des chiens, le cheveu des femmes, et la glace - cette froideur extrême qu'il aimera sculpter comme on réchauffe un coeur en hiver... Les deux scènes les plus émouvantes et les plus poétiques du film.
Mais il ne faudrait pas pour autant oublier de parler de la grande révélation du film : Johnny Depp. Dès sa première apparition, à la maladresse d'une démarche saccadée presque robotique, on se retrouve ému par l'infinie tristesse qui se dégage de son faciès blafard et entaillé, comme par sa peine de ne pouvoir s'endormir sans prendre le risque de se blesser, mais aussi de vivre sans blesser les autres... Au propre comme au figuré.
Quant à son amoureuse, Winona Ryder, il y a vraiment de quoi tomber dans le même état que lui... Et ce malgré la coupe de cheveu de la belle digne de certains des canidés précédemment taillés.
Un grand et beau conte de fées donc, sauf que cette fois-ci pas de happy-end... Et à Tim Burton de nous ouvrir un peu plus les yeux sur l'impossibilité de vivre en société sans se laisser gâter comme la pomme pourrie gâte les autres pommes du panier. Et que l'art, comme beauté de la nature à sublimer, reste l'un des derniers refuges de notre amour... :')