Breaking Bad reste une des plus intenses séries que j'ai pu voir jusqu'à maintenant. C'était il y a déjà 7 ans. De son démarrage jusqu'à sa conclusion, elle m'avait véritablement pris aux tripes grâce à son histoire mais aussi et surtout grâce à l'épaisseur et l'évolution de ses personnages. La formidable conclusion m'avait laissé un peu orphelin de Jesse et Walter, ce duo improbable de dealers, mais aussi de plusieurs seconds rôles tout aussi travaillés et charismatiques.
Et brusquement, un jour, Netflix annonça un film !
Je ne pouvais m'empêcher, comme beaucoup je pense, de redouter ce El Camino tristement affublé de son : un film Breaking Bad qui ne semble être qu'un atout commercial aguicheur. Il y a eu une certaine excitation bien sûr, difficile de résister à l'appel du pied, surtout lorsqu'il s'agit encore de celui de Vince Gilligan, mais il y a aussi la peur de s'asseoir devant cette suite qui n'a visiblement aucun intérêt tant la série formait un tout maîtrisé et cohérent, se suffisant largement à elle même.
Pourtant, en entamant ces deux heures, je ne tarde pas à retrouver mes repères malgré le temps passé. Skinny Pete, Badger, cet enfoiré placide de Todd ou le magnifiquement inexpressif Mike sont autant de sollicitations savoureuses et nostalgiques qui viennent titiller ma mémoire affective. Tous ces bons vieux amis que je n'aimerais en aucun cas voir débarquer à la maison accompagnent le retour du fils prodigue quasiment là où je l'avais abandonné, dans une fin ouverte qui laissait mon esprit tracer le chemin que je voulais pour l'acolyte brisé de Walter White.
Ainsi, ce film était-il vraiment nécessaire ? Indiscutablement, non ! Mais appréciable ? Oui. Et heureusement.
L'esprit de la série transpire dès les premières minutes mais à une vitesse à laquelle je dois m'habituer. Ici, le temps est compressé mais heureusement, chaque scène, chaque rebondissement se fait l'écho des soixante-deux épisodes précédents, que ce soit dans une discussion sur la rive d'une rivière en passant par la recherche désespérée d'un magot convoité jusque dans des paysages désertiques ocres et orange digne d'une ambiance de western, genre qui finira même par pointer le bout de son canon pour venir me rattraper plus tard dans un lieu improbable.
Et ce retour au Nouveau-Mexique se fait qui plus est en jouant perpétuellement avec mes certitudes.
D'un côté, un principe de va et vient entre passé et présent m'invite malicieusement à prendre les devant pour mieux me prendre à revers. Ce qui est déjà arrivé se superpose à la situation actuelle de Jesse et me pousse à anticiper la manière dont les choses se sont passées, transformant chaque flash-back en occasion à saisir pour la survie du personnage.
De l'autre, son indissociable malchance qui l'a fait passer de partenaire à souffre-douleur voir exutoire me fait perpétuellement craindre pour son entreprise de la dernière chance, ce qui vient indéniablement pimenter les enjeux et installer une tension habilement basée sur le fait que je sois en terrain connu.
Toutes ses choses rendent ce El Camino plaisant de bout en bout sans pour autant en faire une nécessité. Fort du travail déjà accompli, ce prolongement direct de l'intrigue sonne comme une conclusion méritée pour un écorché vif que la série n'aura pas épargné. C'est un peu comme si Vince Gilligan exprimait des remords à avoir ainsi abandonné son personnage il y a quelques années, comme si finalement, après tant de temps, il se décidait à lui rendre justice, à lui donner ce qui lui revient de droit en lui offrant une fin digne de son chemin de croix.
All hail the king. Long live the prince.