Le réalisateur espagnol Rodrigo Sorigoyen nous avait offert un excellent polar énervé ("Que Dios nos perdone"), il récidive deux ans plus tard avec un thriller politique tout aussi pêchu, en particulier dans sa seconde partie, jalonnée de plusieurs moments de bravoure qui scotchent le spectateur à son siège (la recherche de documents dans une villa où des jeunes organisent une fête, la traque sur l'autoroute…).
Auparavant, la première partie nous aura plongé dans le monde politico-économique d'une région du sud de l'Espagne, où les politiciens locaux sont présentés comme un clan quasi mafieux.
La mise en scène est nerveuse (musique électro qui pulse, montage rapide, plans serrés, caméra mobile), nous immergeant très vite dans le récit, mais le problème est qu'on ne comprendra jamais vraiment les tenants et aboutissants de l'escroquerie, ce qui laisse le spectateur à distance. D'autant que Sorigoyen choisit sciemment un anti-héros peu aimable, corrompu jusqu'à la moëlle et orgueilleux au point de mettre sa famille en difficulté (soi-disant son moteur principal).
Même si les situations décrites dans le film ne sont pas l'apanage de l'Espagne, il faut aussi assimiler le contexte ibérique, l'un des pays européens où la corruption est la plus incontournable.
Une dernière séquence un peu artificielle sur un plateau de télévision enfoncera le clou : le système est pourri, tout est fait pour le protéger, et l'ultime regard caméra de la journaliste semble impliquer chaque individu dans cet état de fait.
Grand vainqueur de la dernière cérémonie des Goyas avec 7 récompenses, "El Reino" (terme qui signifie le royaume) est donc un film percutant et audacieux, porté par le comédien habité Antonio de la Torre, mais quelque peu affaibli par certains parti-pris, et par quelques incohérences m'a-t-il semblé (mais le rythme est tel qu'il faudrait un second visionnage pour le vérifier).