Déjà auteur du puissant « Que Dios nos perdone », Rodrigo Sorogoyen récidive avec « El reino », thriller politique implacable, tellement intense qu'on ne se préoccupe rapidement plus de savoir s'il est crédible ou pas (preuve qu'il l'est un minimum, malgré quelques moments « énormes »). Pourtant, il m'a fallu un peu de temps pour rentrer dedans : le souci est qu'il y a beaucoup de personnages et de noms, si bien que pendant longtemps j'étais un peu paumé pour savoir qui faisait quoi, qui était qui, quel rôle avait-il dans le parti... Cela gêne la compréhension du scénario et sa construction, ce qui est assez dommage.


En revanche, personne ne peut nier la redoutable efficacité de la machine une fois lancée, sans doute un peu « too much » comme évoqué précédemment, mais dotée d'une tension parfois à la limite du supportable : moi qui suis pourtant assez stoïque, dans la dernière ligne droite j'étais presque à me planquer derrière mon fauteuil tant l'action est suffocante, la réalisation, l'utilisation du cadre, la musique lui donnant une ampleur incroyable


(non mais cette scène dans la maison d'un ponte du parti : quelle dinguerie!!).


Du coup, cela veut aussi dire que tout ce qui s'est passé avant (c'est à dire la grande majorité du film) n'est pas aussi captivant, cette plongée aussi bien au cœur de la politique que des politiques (tous brillamment interprétés, mention spéciale pour le toujours excellent Antonio de la Torre, Josep Maria Pou et la subjuguante Bárbara Lennie), tous deux dans ce qu'ils ont de plus mensongers, odieux, cyniques, sans doute jusqu'à la caricature, tout en gardant une probable (grande) part de vérité, faisant néanmoins froid dans le dos.


Ainsi, ce qui aurait pu être une pénible réflexion sur le pouvoir (pas au plus haut sommet de l'État, mais pas si loin) devient une œuvre intense, pouvant presque rappeler, à certains égards, les meilleurs Costa-Gavras. Réussir à nous attacher à cet anti-héros véreux prêt à tout pour sauver sa place n'était pas chose aisée, le cinéaste y parvient brillamment. Et si la fin est un peu (beaucoup) brutale, elle est aussi à l'image du film : tranchante, imprévisible, cinglante. Sorogoyen, un nom définitivement à suivre de près.

Caine78
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le 4 mai 2019

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