Une oeuvre métaphorique époustouflante

Certainement l’un des films les plus étranges que j’ai vu de ma vie, et pourtant un de ceux qui me marquera la plus. El Topo est un récit hors-du-commun, car réalisé par Alejandro Jodorowsky, un homme en avance sur son temps.


N’étant pas un grand fan de western (mis à part certains classiques avec Clint Eastwood, ou Django Unchained) et le film n’ayant pas une grande renommée, je n’avais jamais eu l’occasion de le voir. C’est en découvrant le documentaire Jodorowsky’s Dune que j’ai eu envie de voir les films de ce réalisateur dont l’art me semblait si différent de ce que l’on a l’habitude de voir. Et je n’ai pas été déçu.


En effet, au-delà du western, El Topo est un vrai récit initiatique qui va voir son héros évoluer et changement totalement de personnalité. Il me semble assez difficile de parler de toute la profondeur du film sans le spoiler, je vais donc donner un premier avis général avant de rentrer dans les détails. El Topo est un excellent film, extrêmement bien réalisé, mais qui ne conviendra pas à tous les publics. La violence est omniprésente, et l’univers/ambiance du film qui me fascine ici pourra en rebuter certains. Les nombreux personnages présents sont tous assez étranges et ont des comportements parfois difficiles à comprendre ou à expliquer, ce qui donne au film un côté irréel et presque hallucinatoire, qui plaira ou pas. J’ai personnellement été conquis.


La réalisation de Jodorowsky est extrêmement travaillée, bien que certains plans soient un peu rapides lors de séquences d’attaques. Le tout reste cependant tout-à-fait compréhensible. Les séquences de meurtres sont étonnamment réussies techniquement (effets de sang qui paraissent bien mieux exécutés que dans des films plus récents), ce qui est appréciable car elles sont nombreuses et pourraient faire sortir le spectateur du film si elles n’étaient pas soignées.
Du côté des acteurs, aucune personnalité connue. Alejandro Jodorowsky joue ainsi le premier rôle de son film. Il donne à son fils le rôle de l’enfant d’El Topo, et le reste du casting est inconnu. Par exemple, Mara, un des personnages les plus importants de l’histoire, est interprétée par une jeune femme qu’a rencontrée Jodorowsky peu de temps avant le tournage, et qu’il n’a jamais revue après. Le casting est également composé en grande partie d’handicapés, rappelant parfois Freaks de Tod Browning.


Venons en désormais au scénario. Je conseille à ceux qui n’ont pas vu le film de ne pas lire cette partie, pour conserver toute la surprise, car je vais décrire l’histoire de A à Z.


Le personnage d’Alejandro Jodorowsky, El Topo, est, dès le début du film, totalement christique. Avec sa barbe et ses cheveux longs, il semble rapidement capable d’accomplir des miracles (changer l’eau amer en eau douce, faire jaillir de l’eau au sein d’une roche en plein désert). Ses actes, cependant, sont parfois discutables, comme lorsqu’il abandonne son fils à des moines, comme une leçon, pour partir avec une femme. La première partie du film décrit donc plusieurs aventures de cet homme avec son fils, sans réel but, mais visiblement avec l’envie de faire régner la justice.


Une fois parti avec Mara, cette dernière lui demande de vaincre 4 maîtres du revolver dans un désert pour qu’elle puisse l’aimer. El Topo suit donc une quête pour l’amour de cette femme. Il va alors affronter ces quatre maîtres, en n’hésitant pas à tricher pour cela, à utiliser des stratagèmes qui le remplisse de honte. Après les avoir tous vaincu (sauf le dernier qui préfère se donner la mort pour lui prouver qu’il ne tient pas à la vie), El Topo sent que Dieu n’est plus avec lui après ces événements. Et la sanction est immédiate : Mara le quitte finalement pour une autre femme, et le laisse pour mort. Cette scène vient confirmer l’analogie avec le Christ, quand le personnage, les bras en croix, les mains et les pieds en sang, se fait tirer dessus par celle qu’il aime. Les clous sont ici des balles.


Une nouvelle partie commence donc et nous retrouvons un héros comme statufié et érigé en Dieu par un peuple opprimé, emprisonné dans une grotte, contraint d’avoir recourt à l’inceste, ce qui les rend difformes. El Topo est immobile mais se réveille pourtant, visiblement des années après sa « mort », sans avoir vieilli. Le thème de la résurrection est ici très clair, mais Jodorowsky vient l’appuyer avec une scène mimant une naissance du héros. Désormais, son but est différent, il va aider ce peuple à sortir de cette grotte et regagner la ville qui ne veut pas d’eux. Pour cela, il va creuser un tunnel, avec l’aide d’une femme appartenant à ce peuple (à laquelle il va s’attacher, jusqu’à vouloir se marier et avoir un enfant avec elle). Il va alors mendier auprès des villageois pour obtenir de quoi creuser, et il va bientôt découvrir que le village est rempli de personnes bien pires que ceux qu’ils ont rejetés.


Ce récit est découpé en divers chapitres, là encore liés à la Bible : la Genèse, les Prophètes, Psaumes et enfin l’Apocalypse. Dans ce dernier chapitre, El Topo retrouve son fils, devenu moine, qui souhaite alors le tuer. La symbolique est forte : dès lors qu’il a retrouvé son père, il lâche son habit de moine pour revêtir celui du héros lorsqu’il l’avait abandonné. Il veut alors tuer El Topo quand celui-ci aura fini de creuser le tunnel qu’il a promis. Malheureusement, lorsque le tunnel est terminé, il n’a pas le courage de tuer son maître, le peuple reclus se précipite vers le village et est rapidement exécuté par les villageois. Brisé par la tristesse, El Topo assassine à son tour les membres du village, avant de s’immoler par le feu, à l’instant même de la naissance de son enfant.


El Topo est donc un film rempli de messages et de métaphores qui ne devraient laisser personne indifférent. Assurément un très grand film, qui mérite une plus grande notoriété.

EtienneC_NEMA
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le 22 janv. 2017

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