Après avoir réalisé des documentaires sur l'Ozploitation et les sur les films étrangers tournés aux Philippines, Mark Hartley s'est cette fois consacré à la compagnie Cannon, qui a fait les beaux jours des vidéo clubs et des amateurs de nanars dans les années 80.
Sur 1h40, qui vont très très vite, le réalisateur a interrogé des dizaines de personnes ayant travaillé pour Cannon, que ce soit des réalisateurs, producteurs, acteurs, scénaristes mais pas Menahem Golan et Yoram Globus, créateurs du studio, qui ont décliné l'invitation ... pour produire leur propre documentaire sur la Cannon, The Gogo boys, tourné après le projet d'Hartley, mais sorti trois mois avant !
Il ressort du film à la fois une certaine nostalgie, de faire en gros les films voulus à condition de respecter les budgets rachitiques, mais une grande lucidité sur la plupart des films produits qui frisaient l'opportunisme, mais qui sentaient assez souvent le nanar. Certains d'entre eux voient ça de manière très drôle, avec près de 30 ans de recul, quand d'autres ont encore le sentiment de s'être fait avoir. Ça peut être parce qu'une actrice a dû se mettre nue plus que de raison, au point que l'une d'entre elles va brûler devant la caméra la VHS d'un de ses films, ou alors le sentiment qu'ils tournaient des nullités, comme le fameux film sur le break dance, tourné car la fille de Golam est tombé dessus en marchant sur une plage de Los Angeles et qui sera en fin de compte un grand succès.
A l'inverse, un type comme Tobe Hooper semble regretter la Cannon, car il a signé trois films pour eux (Life force, L'Invasion vient de Mars et le deuxième volet de Massacre à la tronçonneuse) et a joui d'une liberté totale, sans doute auréolé de son prestige post-Poltergeist. La partie dite respectable est également abordée (avec Barfly, King Lear, Love stream ou encore Runaway Train) avec en ligne de mire la volonté des cousins Golam et Globus d'être respectés auprès de l'industrie du cinéma. Mais ça ne sera jamais le cas, car leur image est portée sur les films avec Chuck Norris, Charles Bronson, Michael Dudikoff, bref que des choses sans intérêt, voire qui appartiennent désormais au nanar.
Le documentaire est assez drôle, avec force anecdotes (dont celle avec l'orang-outan de Doux, dur et dingue, considéré comme un humain !), mais au fond, si les gens sont parfois critiques sur le duo Golam/Globus, il en ressort au fond une certaine sympathie, car ils restaient malgré tout des passionnés de cinéma, qui ne voulaient que faire des films.
Le réalisateur a le talent de dégainer des tonnes d'archives, notamment des cousins (surtout Menahem Golan qui a l'art de vendre des films sur rien, ou alors à partir d'une affiche sans scénario), et des problèmes financiers qui vont arriver dès la fin des années 80, à cause d'une mauvaise gestion de leurs productions, et du four Superman IV qui mettra un point final à toute ambition Hollywoodienne un tant soit peu respectueuse.
Pour parler de mon rapport aux films de la Cannon, j'étais trop jeune pour les avoir découvert à l'époque, mais depuis, j'en ai vus certains d'entre eux (les Allan Quatermann, Portés disparus, Delta force, Life force, Superman IV...) et si la plupart sont lamentables, ils ne sont pas loin d'être remakés aujourd'hui grâce à la firme Nu Image, fondée par des anciens de la Cannon (dont Olympus has fallen ou la série des Expendables), ce qui est dit aussi dans le documentaire.
Bien que celui-ci ne tourne pas au règlement de comptes, certaines personnes, comme Sharon Stone ou Michael Winner, sont largement critiquées, l'une pour son comportement de star, qu'elle n'était pas à l'époque d'Allan Quatermann, et l'autre pour la cruauté qu'il avait pour ses acteurs, en particulier pour les actrices qu'il aimait presque les voir souffrir.
Le tout est largement couvert d'extraits de films, qui m'ont souvent laissé consterné ou qui me faisaient rigoler malgré eux. Si le but du docu est de se (re)plonger dans ce que faisait la Cannon, je ne sais pas, car c'est quand même marqué 80's, mais pour le résultat, c'est vraiment réussi, souvent drôle, et au fond assez touchant sur deux hommes qui ont soulevé des montagnes pour vivre leurs rêves.