Quand le monstre devient humain, et l'humain devient le monstre

Elephant Man est un de ces film que tout le monde devrait avoir vu au moins une fois, un de ces films dits "obligatoires", le genre de film que l'on a envie de montrer à la cousine en surpoids qui croit avoir le monopole de la souffrance, ou à celui qui pleure dès qu'il a un bouton sur le nez. Car le second long métrage de David Lynch fait l'exploit d'être en même temps une oeuvre nous plongeant dans un univers chaotique, sombre et malsain que l'on a pas envie de regarder une deuxième fois voir même pas envie de le terminer tellement il nous fais pleurer, mais aussi une oeuvre nous plongeant dans notre propre humanité, qui peut être belle comme infecte.


Le film narre l'histoire un tantinet romancée de Joseph Merrick, appelé Elephant Man à cause de son énorme difformité qui lui vaut d'être traité comme une bête de foire, qui est recueilli par le docteur Treves, qui voit en lui d'abord un idiot fini, avant de constater qu'il s'agit d'un homme, doué d'une grande sensibilité et d'une rare intelligence.


Lynch a opté pour le noir et blanc, ce qui renforce le propos de l'oeuvre, la rend plus sale, lugubre, plus... "viscérale" ! Le cinéaste nous expose en pleine face la vraie nature de l'humanité, à travers un personnage qu'on ne peut que plaindre, écouter, et pour qui on ne peut qu'avoir une profonde empathie et un attachement sans pareil. Car de tous les antagonistes du film, il est le plus humain, et sa sensibilité mêlée à son côté monstrueux et difforme crée un contraste effrayant avec les autres hommes dits "normaux", qui voient, eux, leur humanité disparaître au fur et à mesure que grandit leur peur, leur dégoût et leur haine face à Joseph Merrick. Et la musique, composée par John Morris, est juste sublime.
Elephant Man, c'est aussi l'occasion de voir le duo prodigieux Hopkins/Hurt à l'écran, deux hommes que tout oppose et qui pourtant finissent par devenir de plus en plus proches au fil de l'oeuvre, la relation patient/médecin se transformant en amitié. Et au sein de ce tandem gagnant, on ne peut que retenir l'interprétation magistrale et bouleversante de John Hurt en Joseph Merrick, qui émeut le spectateur du début jusqu'à la fin, sublime, horrible, émouvante à souhait.


Où Joseph Merrick, après avoir jeté un dernier coup d’œil à sa cathédrale, décide de s'endormir pour la première et dernière fois de sa vie comme un être humain normal, sur le dos, conscient que cette position le tuera, scène déchirante où le morceau Adagio for Strings, Op. 11 de Barber prend toute son ampleur et livre un final bourré d'émotions.


Elephant Man est un film poignant et plein de puissance émotionnelle, une oeuvre symbolique de la peur de la différence au sein de notre (déplorable) société ici montrée du doigt à travers le personnage d'Elephant Man, défiguré, haï, traqué, incompris, qui ne peut qu'hurler qu'il est un être humain. Constat flagrant sur l'intolérance et les discriminations, l'oeuvre dénonce aussi le vrai malheur, la solitude, l'abandon et le refus d'acceptation, ce film est pour moi le chef d'oeuvre de David Lynch.
Comme dirait la mère de Joseph Merrick, "Rien ne meurt jamais", et c'est applicable pour l'émotion que j'ai ressenti pour ce film et que je ressent d'ailleurs toujours.

Créée

le 30 nov. 2017

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Tom Bombadil

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