La seule remarque plus ou moins négative que j'opposerai à ce film, c'est qu'il n'est pas un véritable biopic, contrairement à ce qu'il prétend. Il ne fait que s'inspirer de la vie tragique et cruelle d'un homme qui a en effet véritablement existé. L'histoire du film romance ou invente en grande partie la vie de Jospeh Merrick.
Et le docteur Frederick Treves n'était pas aussi généreux que ne l'a été Anthony Hopkins dans ce film. D'ailleurs, il ignorait même le véritable prénom de Monsieur Merrick, et l'appelait John au lieu de Joseph.
Ce qui, toutefois, est véridique dans ce film concernant le docteur, c'est lorsque celui-ci exprime le fait qu'initialement, il a cherché à "s'approprier" Merrick dans l'espoir de se faire un nom dans le domaine de la science. Joseph Merrick détestait d'ailleurs lorsque que Monsieur Treves l'exposait à ses confrères comme un animal et sans aucune considération. D'ailleurs, il n'était pas le bon samaritain décrit par David Lynch mais il "collaborait" réellement avec Tom Norman (celui qui a inspiré le forain "Bytes" (interprété par Freddie Jones) en monayant ses "monstres de foire" pour "servir" ses recherches scientifiques. Mais pour des histoires de sous, les deux hommes vont finir par se tourner le dos et se cracher l'un et l'autre dessus par la suite, dans leurs mémoires respectives.
Joseph Merrick meurt effectivement comme à la fin du film en revanche. Il est retrouvé allongé sur son lit un matin, ce qui l'aurait tué, car il ne pouvait effectivement pas dormir étendu du fait de son handicap et de ses malformations. Mais contrairement au film, on ne sait toutefois pas si il s'agit d'un suicide ou d'un accident.
Au-delà donc du fait que le film est davantage une fiction inspirée de faits réels qu'un véritable biopic, je n'ai rien à reprocher au film, qui est une grande réussite. On y retrouve les visions hallucinées propres au cinéma de David Lynch, une bande son intéressante qui donne au film une ambiance à la fois étrange, glauque, mais ô combien mélancolique.
John Merrick (car David Lynch reprend l'erreur présente dans les mémoires de Frederick Treves), y est dépeint comme un homme généreux, naïf, innocent, en quête d'affection et de bienveillance, sans jamais avoir eu la moindre mauvaise intention, malgré la méchanceté dont il a, depuis son plus jeune âge, été victime. C'est l'un des personnages les plus attachants qu'il m'ait été donné de voir dans un film ces dernières années. Il est, de plus, extrêmement crédible, en dépit de sa pureté.
Anthony Hopkins, quand à lui, incarne un docteur ambigu, qui, peu à peu, s'ouvre et s'attache sincèrement à John Merrick. D'ailleurs, Monsieur Hopkins nous montre ici un grand talent d'acteur, et livre, sans forcément parler, de grandes émotions au travers son jeu d'acteur, de son regard, de ses expressions, de sa posture, etc, et ce sans en faire des montagnes.
La relation entre le docteur qu'incarne Anthony Hopkins, avec John Merrick, y est vraiment touchante, et fait sincèrement espérer au spectateur un avenir enfin radieux pour l'infortuné.
Le film n'est pas un film "tire-larmes", et les scènes émouvantes sont assez sobrement présentées, comme une simple petite larme qui coule sur la joue de John Merrick lorsqu'il est ému par la bonté du docteur ou de la femme de théâtre. Malgré le maquillage et les prothèses, qui ont dû rendre difficile le jeu d'acteur, John Hurt nous livre un jeu magnifique, avec ce regard si émouvant, qui brise le coeur (même si la mise en scène ne cherche absolument pas à exacerber à outrance ce fait, dans l'optique d'absolument nous faire tirer une larme. C'est au contraire très sobre).
Bref. Un film pudique, sobre, qui n'en fait pas des "caisses", mais qui est incroyablement touchant, avec une mise en scène sublime et inspirée.