Wah ! revoir ce film après tant d'années fait un bien fou ; je l'avais vu à sa sortie en France en 1980 (bien que sorti en 79 aux Etats-Unis) et d'emblée, j'avais adoré. Je n'ai dû le revoir qu'une seule fois, en VHS, c'est dire si je me suis privé longtemps d'un vrai plaisir de comédie réussie, l'une des meilleures pour moi de Blake Edwards. Et en arrivant sur SC, je l'ai noté de mémoire, mais ma mémoire ne m'avait pas trahie car j'en avais gardé un souvenir très vivace, sans doute en partie parce que je l'ai vu quand j'avais 20 ans et que ma libido était très débridée, je me sentais donc un peu concerné par le sujet.
Le film traite de la crise de la quarantaine avant tout, mais Edwards en profite pour aborder plusieurs thèmes : les fantasmes masculins, la duplicité du désir masculin, le sexisme, la relation de couple, le voyeurisme, les pratiques sexuelles perverses, l'amour libre, la psychanalyse, les affres de l'homosexualité entre un homme mûr et son jeune amant... bref c'est abordé de front ou juste frôlé, mais bien présent, mais Edwards traite tout ceci sous le couvert d'une comédie romantique qui a fait son succès, comme dans Diamants sur canapé, sans pour autant renoncer à son goût de la comédie pure et du slapstick (situations burlesques exagérées).
En effet, c'est une fable cocasse sur le désir et le cap des 40 ans chez George Webber, un riche compositeur qui se croit fini sexuellement, il délaisse temporairement sa compagne Sam Taylor et idéalise la femme parfaite, jeune et belle, qu'il voit lors d'un instant furtif à travers la vitre de sa voiture, avant de s'apercevoir que celle qu'il considérait comme "la Femme" ne correspond pas à ses attentes ; il retourne donc auprès de Sam et lui demande de l'épouser. Lu comme ça, le scénario semblait superficiel et un peu rasoir, mais Edwards a le génie de parsemer le film de gags avec un sens aigu de la comédie et une absence de superflu, les scènes humoristiques compensent un scénario qui aurait été ennuyeux sans elles, et on garde en mémoire quelques scènes inoubliables (la dégringolade de George en bas de sa maison, la vieille gouvernante et son plateau à thé, le dentiste, Bo Derek qui court en maillot de bain sur la plage, la scène du Boléro...).
Elle a contribué à redonner une nouvelle vie au Boléro de Ravel, utilisé de façon drôle lors d'une scène érotique, si bien qu'après ce film, on n'écoutera plus jamais le Boléro de la même façon. Le film a surtout révélé la sculpturale Bo Derek, avec ses tresses, qui venait d'épouser John Derek, mais ce sera son seul titre de gloire car sa carrière sera loin d'être éblouissante par la suite. De son côté, si le film marche si bien, c'est aussi grâce à Dudley Moore qui campe un personnage à la fois maladroit et ridicule ; révélé l'année précédente dans Drôle d'embrouille, il est formidable dans son rôle, et lui aussi connaîtra hélas une suite de carrière peu relevée, ne retrouvant jamais un succès comparable. Le film fut un énorme succès commercial à l'époque, malgré quelques scènes de nu furtif et d'orgies sexuelles chez le voisin de George ; il est vrai que ce fut tourné dans une époque encore très permissive, je ne sais pas si ça pourrait être refait à Hollywood de nos jours, mais j'en doute.
Autour de Dudley Moore, on retrouve la superbe Julie Andrews, épouse à la ville de Blake Edwards, Robert Webber en homosexuel aigri, Dee Wallace qui allait ensuite jouer dans plusieurs films fantastiques, dont Hurlements, Brian Dennehy bien avant Rambo, en barman d'hôtel attendri, et Sam Jones qui l'année suivante, allait devenir un super-héros dans Flash Gordon. Voici donc encore de bonnes raisons de voir cette comédie pleine de subtilité et totalement jubilatoire, qui constitue un vrai moment de bonheur.