"I like to fuck on Prokoviev or Ravel.."
Punch line ô combien putassière mais ô combien représentative du personnage de petite bourgeoise hippie incarnée par une Jenny Miles (Bo Derek) minérale et objet de tous les fantasmes d'un George Webber (Dudley Moore) en pleine crise de la quarantaine. Jenny, donc, fille à papa fortunée et à peine mariée s'offre une lune de miel en compagnie de son surfeur de mari dans un club ultra prohibitif du Mexique. Peau satinée et cheveux délicatement tressés, la sirène a quelque chose d'interdit, sa beauté faisant office de ceinture de chasteté invisible. Une envie irrésistible d'y goûter sans jamais en avoir l'autorisation. Une offrande adressée uniquement pour les D(y)eux.
Lorsque George écarte enfin cette barrière imposée par l'esprit dans l'espoir "d'embrasser" enfin son fantasme, l'oasis disparait comme un mirage dans le désert. Ces courbes et cette bouche si délicatement dessinées n'ont finalement aucune saveur. Jenny se donnera avec une facilité déconcertante en prônant la fameuse liberté sexuelle. George, dont la dépression est la souche parfaite à ses fantasmes de demoiselles de 20 ans rebrousse chemin à la fois déçu de n'avoir pu étreindre l'Amour tel qu'il l'avait envisagé. Son retour au bercail signera la fin d'un passage et le premier jour du reste de sa vie sous le signe de la sagesse et de l'acceptation de soi.
TEMPUS FUGIT
Cette comédie, Blake Edwards l'envisage comme un feel good/bad movie car il n'y a rien de plus triste que de voir le temps qui passe sans réellement pouvoir s'y agripper. Foutue horloge interne qui se dérègle en transformant les quadras en gosses immatures de 15 ans. Un voyage qui passe inexorablement par le sexe comme pour rappeler que George Webber bande toujours. Première marche franchie avant la dégringolade, George croise deux jeunes femmes au volant de sa Rolls couleur soleil. Un regard insistant qui se prolonge dans le rétroviseur. L'hamartia quant à elle, prendra la forme d'une naïade enveloppée d'un voile blanc. Le simulacre parfait de l'Amour redécouvert et la silhouette virginale causant le priapisme absolu. Derrière ce fantasme de pureté et de beauté marmoréenne se cache un problème plus profond : la jeunesse et fondamentalement, le retour de l'insouciance. Un bain de jouvence «sous cutanée» qui irrigue intensément le corps de George au point d'en perdre la maîtrise. Un syndrome bien connu des fondus du cinéma de Blake Edwards et en particulier de «L'Inspecteur Clouseau». Une approche en forme de slapstick qui empêchera le film de sombrer dans le verbe ou dans le pathos dégoulinant.
ÉTAT REGRESSIF
Il fallait bien ça afin de ramener George à la réalité. Passer d'un état solide à un état liquide. Une semaine suffira pour le transformer en kid maladroit et faire de ce représentant de la gent masculine un bouffon orienté par une boussole dans le slip. Les plus attentifs tendront l'oreille et percevront la finesse d'un dialogue sur la supposée longueur du télescope du voisin transformée en "concours de bites" ou encore les mimiques d'ado pré-pubère de George captées par le regard de Jenny. Un festival orchestré par un Edwards particulièrement sage derrière une caméra qui laisse libre cours à ses comédiens de se payer une tranche de comédie rigolarde sans jamais mettre le spectateur dans l'inconfort. Une bonne humeur "teintée cul" qui s'achèvera en une pirouette sur la pureté des sentiments et les principes de chacun. Inoffensif certes mais tellement vrai.
DEUX BELLES RAISONS DE VOIR CE FILM
1) - Le cast (les seconds rôles) : Dee Wallace ("Hurlements", "E.T.", "Fantômes contre fantômes")
Julie Andrews ("Mary Poppins")
Sam Jones ("Flash Gordon", "Ted")
2) - L'étonnante ressemblance avec "Les femmes de ses rêves", film réalisé par les Frères Farrelly avec Ben Stiller et Malin Akerman.