Désir meurtrier
Le contrôle et la manipulation sont des thèmes récurrents dans les films de Paul Verhoeven notamment quand ce dernier s’entoure de personnages féminins comme l’étaient Nomi (Showgirls) ou Catherine...
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le 26 mai 2016
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/!\ Critique qui contient quelques spoilers pas toujours indiqués
Elle est un film que je souhaitais voir depuis longtemps, et grande fut ma déception à l'issue du visionnage.
Je m'aperçois après coup que tout ceci démarrait mal, avec cette présentation d'abord du bruit puis de l'image du viol dont est victime le personnage d'Isabelle Huppert. Tout semble faux dans cette scène : la situation, le décor, le "jeu" des personnages : serait-ce un téléfilm du dimanche soir sur M6 ?
Cette impression de "faux" ne s'est hélas pas dissipée par la suite.
Dommage car l'approche initiale de Verhoeven était intéressante en montrant progressivement (sans toujours être subtil) la réaction de Michèle et sa construction identitaire en réaction au viol dont elle fut victime plus jeune. Cette capacité à effacer de sa mémoire ce trauma pour se reconstruire personnellement explique le "détachement" voire l'indifférence profonde dont fait preuve Michèle tant vis-à-vis d'elle-même que de son entourage.
Cependant le sujet est très mal traité pour 2 raisons principales :
-> Trop de scènes mal écrites et/ou mal jouées (la scène lunaire de la révélation au restaurant) et des personnages globalement caricaturaux ou peu attachants. Car même si Isabelle Huppert joue (selon moi) relativement mal en feignant ce détachement extrême, elle reste le personnage le plus intéressant du film. Laurent Lafitte apporte également de la consistance au récit en apportant son charme vénéneux et une certaine ambiguïté.
Les autres personnages secondaires sont inintéressants (le personnage du fils) et assez vite oubliables quant ils ne jouent pas mal (Charles Berling).
-> La multiplication superficielle de fausses pistes pour entretenir un semblant de suspens finissant par lasser : Michèle reçoit des textos menaçants, puis plus rien. Michèle reçoit une vidéo offensante à son bureau, c'est une fausse piste. Il y a une intrusion "one shot" dans sa chambre avec un délicat avis de passage sur la literie, puis plus rien.
Entre temps ? Il y aura eu un repas de Noël comme si de rien n'était, des déjeuners au restaurant, une annonce de mariage, un achat d'appartement ... Ce constant balancement entre le "très normal" et le "très peu normal" m'aura perturbé et progressivement réduit l'intérêt porté à l'histoire.
Ce résultat est-il dû au matériau d'origine, le livre de Philippe Djian que je n'ai pas lu ? Je n'en sais rien.
Mais la réputation de Paul Verhoeven, tout comme sa maîtrise technique et son "assertivité" pour dérouler son histoire m'auront induit en erreur. J'aurai guetté, en vain, et parfois péniblement, le grand film (par ailleurs très bien noté sur SensCritique) multirécompensé (le César remporté par Isabelle Huppert sera donc une énigme) ...
Le coup de grâce ? La dernière phrase prononcée par le personnage de Virginie Efira (la pauvre par ailleurs pas aidée par des répliques insipides et un personnage complètement neuneu) :
"mon mari était un homme torturé, merci de lui avoir apporté temporairement ce dont il avait besoin".
Ah bon ?? Ok, donc tout s'explique : le viol est un exercice cathartique que l'on peut légitimer - cool.
Pour finir, je dirai que cette oeuvre m'a fait penser au mauvais Passion de Brian de Palma : des réalisateurs sexagénaires voire septuagénaires restés bloqués dans les années 90 et la vague des thrillers porno-chics qui adoraient présenter des femmes à poil. Sauf que l'époque et les mentalités ont changé, et qu'il serait temps de passer à autre chose ... Créer du malaise pour créer du malaise est un exercice vain, encore faut-il avoir une histoire intéressante à raconter et bien le faire.
Créée
le 13 janv. 2024
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