Voir Baz Luhrmann s'attaquer à la figure mythique d'Elvis Presley n'a rien de vraiment étonnant, surtout après avoir exploré la libération des mœurs, l'essor du jazz et le rêve américain vécu à travers les fêtes mondaines dans The Great Gatsby. 3 composantes qui bien que détournées dans leur traitement (libération des mœurs par l'hystérie totale du public féminin, essor du rockabilly, le rêve américain vécu à travers la frénésie des concerts) se retrouvent dans Elvis avec la même volonté de créer un décalage entre époque et musique et surtout, avec la même volonté de créer la démesure filmique.
Elvis convoque donc à un véritable feu d'artifice de 2h40 qui enchaîne les transitions, les vues aériennes, les rotations d'images, les freeze-frames qui font la une des journaux, les montages parallèles… Le tout modelé dans un dynamisme ultra-étouffant où le spectateur s'explose la rétine et ne peut respirer une seule seconde ; un parti-pris finalement réussi car correspondant parfaitement à ce grand spectacle personnifié qu'essaye de nous transmettre Luhrmann avec la vie d'Elvis Presley.
Austin Butler offre évidemment une performance aussi incroyable que mémorable, dégageant une fusion tellement forte avec le personnage du King que la confusion en est troublante à la différence du Colonel Parker (interprété par Tom Hanks) qui remplit pour sa part toutes les cases du basique personnage manipulateur dont les actions sont si exagérées, évidentes et clichés qu'il est impossible d'y croire.
Dans son écriture, le Colonel Parker n'est pourtant pas si inintéressant car ce dernier incarne un personnage conscient et admiratif du grand spectacle que procure Elvis à son public mais qui incarne également cette peur de toute une société quant à l'émergence d'une culture populaire : le rockabilly - inspiré par la musique Afro-américaine et le Gospel, possédé par un style bestial mais ancré dans une période ségrégationniste raciale.
Bien que son "Rise and Fall" cède facilement aux codes classiques du biopic avec la pauvre séparation romancée entre vie scénique et vie privée - et tous les problèmes qui s'en dégage, Elvis parvient tout-de-même à trouver son efficacité dans le fait de montrer l'évolution d'un artiste à travers les blessures de son temps, montrer sa chute à travers la figure d'une poule aux œufs d'or, à travers la figure d'une proie parfaite livrée au Star System.