La puissance rédemptrice de la Femme (avec un grand F)

Jacques Audiard est un cinéaste cosmopolite et presque toute sa filmographie aborde de près ou de loin le thème du multiculturalisme. Influencé par le film noir américain et le western des années des 1960, Audiard ne cache pas un certain tropisme hollywoodien très vintage l'amenant à quitter l'hexagone et la langue française pour poser sa caméra dans une Amérique violente et largement fantasmée. Après le désastreux Dheepan, où la France était dépeinte en zone de non-droit invivable, on se dit qu'il a eu sûrement raison de quitter la France pour faire prospérer son désir de western. A cet égard, Sister brothers, son précédent opus, s'est avéré un exercice de style old school assez réussi. Cette fois-ci, Audiard porte son dévolu sur le Mexique des Cartels de la drogue. On pouvait s'attendre à un déluge de pétarades mais Audiard a voulu, une nouvelle fois, prendre le spectateur à contre-pied pour démontrer qu'il avait décidément plus d'une corde à son arc et une maîtrise éclectique des codes cinématographiques hollywoodiens.

Emilia Pérez sera donc un film de gangsters, mais sous forme de comédie musicale dédiée à la puissance rédemptrice de la Femme (avec un grand f). A l'unisson de son époque, la Femme idéalisée d'Audiard ne naît pas femme, elle le devient. Au sens propre ou au figuré puisqu'il s'agit de suivre les pérégrinations de 4 femmes réunies autour d'un baron de la drogue, richissime et ultra-violent, qui décide de changer de sexe dans le plus grand secret pour se retirer des affaires. Véritable objet transitionnel, la trans-identité du narcotrafiquant est le point de départ de l'éclosion d'un idéal féminin courageux et aimant qu'Audiard n'hésite pas à présenter comme la solution aux maux de nos sociétés gangrénées par la violence. On passera sur la morale essentialisante un peu douteuse qui pourrait laisser supposer qu'il suffirait d'éradiquer les phallus et la testostérone pour mettre fin à la violence endémique.

Et pourtant, je dois dire que la magie opère. Loin d'être un manifeste woke, Emilia Pérez va permettre à une troupe de 4 actrices épatantes de littéralement crever l'écran. Leur prix collectif d'interprétation à Cannes n'est nullement usurpé. Mention spéciale à Zoé Saldana qui incarne une avocate exploitée qui va se révéler comme le pilier de la tribu de femmes.

Autre réussite du film, la mise en scène des scènes musicales. Autant la partition d'Annette de Léos Carax m'est apparue besogneuse et peu inspirée, autant l'univers pop signé Camille et orchestré par Clément Ducol est de très bonne facture. Les dialogues chantés, exercice extrêmement périlleux, fonctionnent très bien et mettent en valeur la fragilité des personnages. Et que dire de la reprise finale des passantes de Brassens par une fanfare de rue. Poignant.

La mise en scène d'Audiard est très léchée, parfois trop. Les mouvements de caméras sont ultra-maitrisés et les scènes chorégraphiées, sans être exceptionnelles, sont très réussies. Mais un peu de sobriété n'aurait pas fait de mal car cela casse quelque peu le rythme de la progression dramatique du film.

Cela n'en demeure pas moins un film captivant et profondément original. Qui pose un regard édifiant et non moralisateur sur la situation du Mexique, gangréné par la violence des gangs et de la criminalité.

Samfarg
6
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le 7 sept. 2024

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Samfarg

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