Rédemption sociale

Jeune avocate de talent, Rita s'emploie à défendre des cas peu moraux, refoulant ses valeurs féministes pour gagner sa vie. Un jour, elle se voit confier une mission par Manitas, le plus grand magnat des cartels de Mexico: le faire transitionner d'homme en femme.

Quelques années après la transition, Manitas, alias Emilia Perez, retrouve Rita pour la charger d'une autre tâche. Par la force des choses, les deux femmes se voient inévitablement liées.

Basé sur un roman et un livret d'opéra, avec une musique composée par Camille et Clément Ducol, Emilia Perez propose une comédie musicale surprenante, pétillante et haletante. D'une part les personnages sont d'une psychologie très riche. Le personnage principal, Emilia Perez, est traversé par des questions sur son identité de genre, poussant à la réflexion sur la maternité, la sexualité. Rita n'en est pas moins intéressante, elle qui est est un exemple de l’intersectionnalité de plusieurs conditions sociales, en tant que femme, jeune et noire.

D'autre part, le contexte du Mexique permet de traiter de la question de la justice sociale d'une manière brute et encore une fois singulière. Est introduite la question de la rédemption des criminels des gangs par la réussite de l'association d'Emilia qui vise à réunir, si pas réconcilier, les familles de disparus avec leurs assassins. La chanson qui accompagne cette scène est illustrée par un clair obscur saisissant. D'une manière générale, le choix musical est audacieux et réussi car éclectique: à la fois entraînant et cynique (chansons de Rita), mais aussi dramatique et sensible (chanson "Papa").

Bousculant nos codes, le film est en permanent équilibre entre la légèreté, comme si tout était facile et possible, et la pesanteur de forces qui semblent dépasser les plus bonnes volontés. Pouvons-nous au fond échapper à notre destin - entendu comme condition sociale ?