« Emma » fait partie des romans de Jane Austen les plus adaptés, allant de téléfilms de la BBC jusqu’à des versions cinémas, en passant par sa relecture californienne avec Alicia Silverstone ! En 2020, le cinéma a-t-il encore quelque chose à apporter à l’univers de Jane Austen, et vice-versa ?
A l’image du point adjoint au titre « Emma. », Autumn de Wilde cherche à répondre par la positive, voulant ajouter des éléments rafraichissant à cette adaptation. A noter que de manière beaucoup plus pragmatique, la réalisatrice a expliqué ce curieux choix de ponctuation dans le titre par un jeu de mot tout à fait banal. En effet, le point (period en anglais) signifierait tout simplement que l’on est dans un film d’époque (period film en anglais) !
Bref, revenons au film… Le souci de l’intrigue du roman « Emma » est que la protagoniste est très antipathique. Une jeune femme immature, jouant les entremetteuses en manipulant un entourage crédule, et qui va se prendre ses propres rouages en pleine figure. Un handicap pour la plupart des adaptations, où l’on a du mal à s’attacher à cette marquise de Merteuil juvénile. « Emma. » cuvée 2020 saisit justement à bras ouverts le caractère antipathique du personnage, pour mieux dresser une satire acidulée de l’aristocratie de l’époque.
Interprétée par une froide Anya Taylor-Joy, Emma est donc ici des plus calculatrices et implacables, avec une vision sans concession de l’ordre social. Néanmoins cela vient surtout de son immaturité, et du fait qu’elle n’a pas encore vu ou éprouvé de vrais sentiments. Elle changera en se rendant compte de ses propres émotions et de celles des autres.
Tout cela est enrobé dans un univers proche d’une féérie qui masquerait un cauchemar. Musique classique, gros plans sur des visages souriant à l’excès, dialogues très polis, jeux de couleurs pastel extrêmement travaillés, costumes très élaborés, domestiques à la botte du moindre caprice, touches d’humour chez de vieux riches déconnectés… alors que les coups tordus et les cœurs brisés sont légions. A l’image de l’hypocrisie de l’aristocratie, on sent que toutes ces apparences sont prêtes à exploser pour révéler la vraie nature des personnages. Une explosion qui ne surviendra pas, l’adaptation restant fidèle à son matériel… et à une époque et un milieu relativement rigide.
« Emma. » est ainsi une nouvelle version intéressante, moins académique que certains de ces prédécesseurs.